La région viticole de Margaret River a été établie sur les conseils de Mr John Gladstones, un éminent agronome de l’état d’Australie Occidentale, qui suggérait dans un rapport que le climat méditerranéen de la région conviendrait parfaitement aux cépages de Cabernet Sauvignon. Auparavant, les premiers immigrants qui s’étaient installés dans la région, comme les Dawsons en 1848, les Leymans en 1868 et des immigrants italiens dans les années 1900, faisaient du vin pour leur propre consommation. La zone géographique définie comme Région de Margaret River, s’étend vers l’ouest à partir de la longitude 115018’, occupant la pointe de la péninsule qui constitue l’angle sud-ouest de l’Australie.

C’est la région viticole la plus isolée au monde et vraisemblablement la plus inaltérée, recevant des vents et des pluies qui arrivent à Margaret River après une traversée de l’océan Indien de plusieurs milliers de kilomètres. La région est relativement étendue, occupant 110 km du Nord au Sud et 27 km d’Est en Ouest et elle est devenue, en un temps relativement bref, l’une des meilleures régions productrice de vins d’Australie. Dans son rapport de 1965, John Gladstones déclare: «Mon opinion est que le climat de cette région, ainsi que la nature de ses sols, conviendraient parfaitement à la culture de vignes de très bonne qualité. Toutes les considérations théoriques suggèrent d’excellentes possibilités. »

La région de Margaret River jouit d’un climat idéal pour la culture de la vigne en raison de sa situation dans une région géographique qui combine des précipitations relativement abondantes en hiver et un climat chaud et sec en été. Pour Margaret River, les prévisions relatives aux effets du réchauffement climatique sont positifs, car la région est proche de la côte et donc tempérée par l’influence bénéfique de l’Océan Indien. Les effets du gel, des nuages, de la pluie et de la grêle pendant la période du mûrissement sont faibles, et les effets modérateurs de l’Océan Indien et de la Mer du Sud produisent un climat stable et prévisible.

Sous-région

La région de Margaret River, relativement étendue, présente plusieurs microclimats distincts et des sols variés. Ainsi, en 1999, John Gladstones a proposé une classification en sous-régions, basée essentiellement sur les systèmes de drainage et les effets des vents du large, et reflétée par un changement dans les styles de vins lorsque l’on va du Cap du Naturaliste au Nord, au Cap Leeuwin, à l’extrémité Sud. D’autres facteurs ont aussi un rôle à jouer, comme les techniques de viticulture et de viniculture et la localisation topographique. Il est donc possible de distinguer des vins faits à Wilyabrup, dans le centre de la région de Margaret River, région où se trouve Cullen Wines, et des vins produits plus au Sud. Bien que les types de sols de la région de Margaret River varient, ils se composent essentiellement, dans les zones les plus propices à la culture de la vigne, et en particulier des cépages de Cabernet-Sauvignon, d’une couche de limon graveleux recouvrant une sous-couche argileuse. L’ancien socle en granit et les affleurements de calcaires se sont décomposés et forment des poches de sols qui conviennent parfaitement à la culture des raisins de qualité. La présence des imposants Eucalyptus Calophylla (Marris) dans un endroit indique que celui-ci est propice à la viticulture.

Les premières vignes commerciales de la région de Margaret River ont été plantées en 1967, par le docteur Tom Cullity dans ses vignobles Vasse Felix. Cependant, les véritables pionniers de l’industrie viticole dans la région sont Diana et Kevin Cullen, qui possédaient des terrains adjacents à Vasse Felix sur lesquels ils avaient, l’année précédente, planté un arpent de vignes à titre expérimental. C’est à partir de ces humbles débuts que la région a continué à se développer, avec 36 601 tonnes de raisin (48% rouge et 52% blanc) pressées après la récolte de 2008. Cette vendange comprenait 6623 tonnes de Cabernet Sauvignon et 5360 tonnes de Sémillon, Sauvignon Blanc, Syrahs et Merlot. Des Petit Verdot et Malbec, plantés ces  dernières années, sont aussi vendangés chaque année.

En raison de son isolement, imposé par la distance, la région de Margaret River est restée sa propre maîtresse, bien plus que le reste des autres régions vinicoles australiennes. L’une des premières régions dont l’exploitation était inspirée par une étude scientifique  a été englobée dans le boom du vin des années 60 en Australie. Il s’agissait d’un boom du vin rouge, résultat des efforts du groupe des «hommes pour la renaissance des vins fins», qui utilisèrent les vestiges des vignobles plantés par les anciens pionniers, parfois vieux de 50 ou 100 ans, pour fabriquer de minuscules quantités des meilleurs vins que l’Australie ait jamais connus.

Trois hommes remarquables, Colin Preece, Max Schubert et Maurice O’Shea eurent l’idée de mélanger des Syrahs provenant de plusieurs régions viticoles traditionnelles d’Australie, et créèrent ainsi des vins de la plus pure perfection, dont les attributs étaient hérités de l’influence des divers et excellents sites où les raisins avaient mûri. Cette tradition de mélanger des vins de différentes régions d’Australie a eu pour résultat que les vins australiens sont davantage considérés comme des vins de cépages plutôt que comme des vins de terroir (Brian Croser 2009 Présentation Landmark).

Quelle est la place de Margaret River dans l’industrie vinicole australienne?

Margaret River a été créée par trois novateurs inspirés, qui étaient tous médecins et voulaient tous passionnément produire des vins de terroir. A un moment où presque toute l’Australie embrassait le modèle de la renaissance vinicole qui prônait le mélange de vins de différentes régions, les docteurs Cullen, Cullity et Pannell instaurèrent leur propre système d’appellation pour empêcher que les vins de la région de Margaret River ne subissent un mélange inter-régions. L’opinion du docteur Cullity était que «si l’étiquette d’un vin indique une région, la bouteille ne doit contenir que du vin de cette région.» Ces trois hommes, dont l’un était mon père, voulaient produire le meilleur vin au monde et mettre Margaret River sur la scène internationale comme une grande région vinicole. A une époque où l’irrigation était  largement utilisée en Australie, il fallait de longues années à un vignoble pour s’établir et aux vignes pour développer leurs racines. Aux vignobles Cullen, il a fallu huit ans pour produire une récolte raisonnable.

Les années 90

La vigoureuse influence régionale et l’approche culturelle et philosophique des pionniers de Margaret River ont abouti à des vins qui incarnent cette région. Les vins ne sont pas «parkérisés», mais toujours élégants et reflètent le caractère de la terre où les grappes ont poussé. Comme mentionné précédemment, l’histoire de Margaret River ne s’est pas calquée sur celle de l’industrie vinicole australienne en général. La plupart du temps, elle a reçu son impulsion de petites exploitations familiales qui se soucient de l’environnement et qui recherchent un sens du terroir dans chaque bouteille. La région a connu trois vagues de développement: Les pionniers de l’industrie ont commencé vers la fin des années 60, et au début des années 70.

Ces hommes qui avaient la passion du vin voulaient seulement produire de grands vins, et en particulier le Cabernet Sauvignon, cépage auquel, selon John Gladstones, la région convenait particulièrement. La seconde vague arriva vers la fin de années 70 et au début des années 80, marquée par l’entrée de producteurs plus passionnés et plus focalisés sur l’exploitation commerciale des vignes. C’est à ce moment-là que le paysage économique et social se métamorphosa: pauvreté, chômage, absence de routes, d’écoles et d’hôpitaux, car la production de vin amena fromageries, restaurants et touristes, et surtout, éveilla un sentiment d’optimisme en créant des emplois pour les jeunes.

Les années 90 marquèrent l’ère des investissements. Les planteurs de vignes jouissant d’une déduction fiscale de 100%, deux courants de viticulteurs coexistèrent dans la région. Il y eut ceux qui plantaient des vignes parce qu’ils étaient passionnés par la production de grands vins, et ceux qui plantaient pour réduire leurs impôts et faire un investissement. Nous parlons ici des petits propriétaires et des exploitations familiales dont les propriétaires ont la passion du vin, dont les vignobles se trouvent sur un site unique et dont la réputation de qualité est établie depuis des années.

Les principaux styles et variétés qui ont un grand succès à Margaret River sont le Sauvignon Blanc et les mélanges de Sémillon, le Chardonnay et le Cabernet Sauvignon, mélangé avec du Merlot, Petit Verdot, Malbec et Cabernet Franc. Ma présentation se focalise sur le Cabernet Sauvignon (ainsi que les mélanges qui contiennent cette variété) et le Chardonnay, car ces deux vins sont les produits-phares de la région. J’aimerais d’abord remercier les vignerons des exploitations suivantes qui ont généreusement donné leur temps pour discuter de ce projet avec moi: Pierro, Lenton Brae, Woodlands et Moss Wood à Wilyabrup, Voyager Estate et Leeuwin Estate dans la sous région de Walcliffe.

Le Chardonnay à Margaret River

Tout d’abord, quelques informations générales: les cépages de Chardonnay ont été plantés pour la première fois dans la région de Margaret River en 1976, c’est-à-dire, il y a 33 ans. 5360 tonnes de raisins Chardonnay ont été pressées aux vendanges de 2008, la plupart provenant des clones Gin Gin ou Mendosa, qui produisent les meilleurs raisins de la région. D’autres clones ont été essayés, comme le Dijon ou le Bernard 95, 96, 76, 277, qui ont un rendement supérieur et apportent au vin une fraîcheur et une délicatesse très appréciées. Certains clones, appelés 1,3 et 5 sont plantés en petite quantité mais ne sont pas considérés comme produisant des vins haut de gamme, et le Penfolds 58 est aussi planté mais peu utilisé. Les clones Gin Gin ou Mendosa subissent presque 100% de millerandage, ce qui signifie une augmentation de la pellicule par rapport à la pulpe et donc une bonne profondeur et une bonne concentration de l’arôme. Le rendement, qui est en général de moins de 5 tonnes à l’hectare, contribue à la grande richesse et à la concentration en fruit qui caractérise le Chardonnay de Margaret River. Toutes les vignes sont plantées sur leurs propres racines. Les arômes de fruit des Chardonnay du Nord de la région de Margaret River retrouvent les agrumes, le brugnon, la pêche blanche et le pamplemousse.

Par contraste, ceux du Sud, dont le Chardonnay de Leeuwin Estate, est un particulièrement bon exemple. Ils ont des arômes très caractéristiques retrouvant la poire sèche, le pamplemousse et les fruits à noyau. Les sols d’Australie Occidentale les plus propices à la culture du Chardonnay sont décrits sous le terme de ‘forest grove’ et se composent de latérite, de granit dans des sables recouvrant une couche de latérite, puis d’argile. La plupart des vignobles ne sont pas irrigués, ou s’ils le sont, c’est simplement en complément des précipitations naturelles pendant la pousse. Les vignes sont donc encouragées à enfoncer leurs racines dans l’argile à la recherche de l’eau. On effectue sur toutes les vignes un palissage vertical et une taille en guyot, et elles sont plantées à une densité de 3,5 m par 1,5m. La seule exception à cette densité est chez Pierro où les vignes sont plantées à une densité de 1,75m sur 1 mètre. La plupart des exploitations essayent de réduire leur dépendance aux herbicides et pesticides chimiques et utilisent une application localisée de traitements systémiques lorsque cela est nécessaire. Le sol est couvert d’un mélange de trèfle et d’herbe, et on privilégie autant que possible la coupe, plutôt que l’application d’herbicides sous les vignes. Compost, roches minérales, pulvérisation sur les feuilles d’émulsions de varech, d’algues marines et de poisson apportent des suppléments nutritifs.

La principale maladie est l’oïdium (mildiou poudreux), que l’on contrôle avec du soufre, alors que le mildiou se traite au cuivre. Si nécessaire, un traitement contre le botrytis est fait par pulvérisation. Le botrytis (pourriture grise) peut être un problème, car les raisins du Chardonnay à floraison précoce peuvent être endommagés au cours de tempêtes, ce qui favorise la présence de botrytis dans les baies. La plupart des vignerons préfèrent couvrir les grappes de Chardonnay car l’exposition directe au soleil sur les grains à pellicule fine peut augmenter les niveaux des composés phénolés dans le jus. La plupart des raisins sont pressés en grappes complètes, récoltés quand ils atteignent une maturité que le vigneron considère optimale. Dans beaucoup de cas, on omet la fermentation malolactique, les vignerons préférant maintenir une certaine acidité et élaborer la complexité par mélange des lies et fermentation dans du chêne. Une faible quantité de fermentation naturelle s’effectue et, à l’exception d’une seule exploitation, les vins ne subissent aucune fermentation malolactique. Tous les producteurs font fermenter leur Chardonnay en barriques de chêne français, dont 30 à 100% est du chêne neuf. Le vin séjourne dans le chêne entre cinq et douze mois, et entre trois mois et deux ans après sa mise en bouteille, il est commercialisé. Tous les producteurs utilisent des capsules à vis et non des bouchons en liège pour cette variété.

Le Cabernet Sauvignon à Margaret River

Le Cabernet Sauvignon a été introduit à Margaret River en 1966 et la première vigne commerciale de cette variété fut plantée en 1967 à Vasse Felix. En 2008, la vendange se composa de 6623 tonnes de raisins Cabernet Sauvignon et 4139 tonnes de Merlot (planté pour la première fois en 1976). Les clones utilisés dans la région de Margaret River sont les clones Houghton, qui viennent d’Afrique du Sud, mais dont la provenance est originellement Bordeaux. Les vins mélangés comprennent entre 60 et 92% de Cabernet Sauvignon, avec des quantités variées de Merlot, Cabernet Franc, Petit Verdot et Malbec. Il ne fait aucun doute que le Petit Verdot pousse et mûrit très bien à Margaret River. C’est d’ailleurs la même chose pour le Cabernet Sauvignon, et il est évident que cette variété se trouve chez elle dans le climat méditerranéen de Margaret River. La plupart des producteurs décrivent leur mélange Cabernet comme un seul vignoble. Les arômes du Cabernet Sauvignon du nord sont le cassis, la mûre, la terre de fer (sans doute en raison des sols en terre de fer du forest grove), alors que ceux du sud retrouvent la myrtille, la sauge et des arômes plus frais et plus savoureux.

Les producteurs de vins considèrent généralement la qualité du tanin dans les raisins comme une bonne indication de la qualité du vin. Tous les vignobles sont plantés sur du forest grove et l’exposition du fruit au soleil avant la véraison est considérée comme capitale pour produire des tanins de première qualité. Pour ce faire, on utilise le palissage Scott Henry ou l’enlèvement des feuilles. Les vignes de Cabernet Sauvignon réclament des soins particuliers pour pouvoir produire des tanins mûrs. Outre une bonne exposition au soleil, un rendement approprié est essentiel pour obtenir le mûrissement optimal des tanins et l’arôme. C’est pourquoi la plupart des vignerons taillent en guyot et n’irriguent pas leurs vignes de Cabernet Sauvignon; ainsi, pour leurs vins haut de gamme, le rendement est limité à 5 à 6 tonnes à l’hectare.

Les producteurs de vin de cette région utilisent une combinaison de raisins entiers et de baies écrasées provenant à 100% de fruits égrappés. On utilise une combinaison de fermentations statiques et ouvertes avec un contact avec la peau de raisin entre 10 et 30 jours. Tous les vignerons, à l’exception d’un seul, effectuent un ensemencement bactérien pour produire les fermentations primaires et malolactiques. Le vin vieillit dans des tonneaux de chêne pendant 15 à 24 mois, et subit trois à quatre soutirages pendant cette période. Le pourcentage de chêne neuf est entre 30 et 100%. Le vin est soumis à un filtrage minimal et passe entre un et deux ans en bouteille avant d’être commercialisé. Les capsules à vis sont le système de fermeture choisi par tous les producteurs.

La santé du sol est capitale pour la qualité du vin et la durabilité

Comme expliqué plus haut, dans la région de Margaret River, les sols sont anciens et la plupart des vignerons s’efforcent de maintenir la durabilité des sols pour qu’ils puissent produire des fruits de qualité pendant longtemps. Je pense que les méthodes biodynamiques utilisées par Cullen Wines à Margaret River sont les méthodes qui produisent le sol le plus sain, ce qui est essentiel à la qualité du vin et à sa durabilité. Cela permet l’expression la plus inaltérée du terroir, avec l’utilisation de levures naturelles pour les fermentations  primaires et malolactiques, aucune addition d’acide, et une fermentation en chêne qui se combine aux fruits.

Nous respectons la terre et nous produisons les meilleurs vins sans imposer ni à la terre, ni aux vins, irrigation ou engrais chimiques. Nous utilisons du compost, les remèdes homéopathiques recommandés par Steiner, et du soufre, en restant en phase avec le calendrier astral de l’hémisphère sud, pour donner à nos vignes vie et subsistance. Je suis convaincue qu’exploiter avec de telles intentions est la meilleure façon de faire s’épanouir les qualités remarquables et uniques des Chardonnay et des Cabernet Sauvignon de la région de Margaret River. Je vous remercie de votre attention.