Le débat, déjà ancien, sur le risque que la nécessaire rénovation des vignobles implique une perte de typicité dans les vins produits, est encore bien vivant dans un grand nombre de zones productrices de vins de qualité en Espagne. Bien que le concept de typicité dans le monde du vin puisse être considéré, d’une certaine façon, comme un néologisme puisqu’il a commencé à circuler au début des années 90, ce terme est de plus en plus utilisé comme synonyme d’authenticité, bien qu’il définisse deux caractéristiques du vin, différentes mais très proches. L’imparable modèle actuel d’économie mondialisée met en question la plupart des concepts sur lesquels la production viticole européenne s’était jusqu’à présent reposée, y compris celui de l’Appellation d’Origine. L’adaptation aux exigences du marché de ce type de vins de qualité, implique parfois l’introduction de cépages non traditionnels, mais qui par leur aptitude oenologique ou en raison de leur prestige, donnent aux vins qu’ils produisent des expectatives de marché supérieures à celle des vins élaborés exclusivement avec des variétés traditionnelles et/ou autochtones.

Et si ce débat est bien actuel dans de nombreuses appellations d’origine espagnole et aussi dans d’autres pays de l’Union européenne, ayant des modèles similaires pour la production viticole, il est inutile de dire que dans une appellation d’origine aux petites dimensions, comme celle d’Alella, là où j’ai développé mon activité d’entrepreneur dans le secteur vitivinicole, il a un caractère d’urgence car sur un petit nombre d’hectares, les transformations et les modifications peuvent être réalisées dans une période très courte avec les conséquences inévitables que cela implique pour la personnalité, les caractéristiques et la qualité de ses vins. Tout cela justifie donc ma préoccupation pour le thème et le fait que cette illustre Académie en fasse un sujet de débat dans l’esprit fondamental de laquelle se trouve, implicite, l’inquiétude sur l’authenticité et la noblesse des vins produits dans les différentes Appellations d’Origine du monde.

Historique

L’Appellation d’Origine à Alella concerne une petite zone viticole d’environ 450 hectares de vignoble situés à quelques15 kilomètres au nord de la grande conurbation de Barcelone. C’est précisément pour la singularité et la distinction des vins produits dans la zone au fil des années dans cette Appellation, que les propriétaires viticulteurs ont pu supporter l’énorme pression urbanistique exercée par la proximité d’une grande ville comme Barcelone, actuellement en phase de franche expansion et ayant besoin d’une banlieue confortable, qu’une zone maritime au climat doux comme Alella offre largement. Du point de vue pédologique et climatique, le terroir d’Alella présente quelques caractéristiques spécifiques qui le rendent particulièrement apte pour la culture de la vigne. Les sols sablonneux blancs, d’origine granitique, composés de quartz et de biotite, sont appelés « saulo » dans la zone et ont une aptitude particulière pour capter la lumière et la chaleur du soleil à un endroit d’insolation élevé, alors que ce terroir présente une basse rétention pour l’eau, ce qui n’est pas un problème grave, étant donné la pluviométrie de la zone, la douceur du climat et le microclimat dont elle

bénéficie, défini d’une part par la proximité de la mer et d’autre part par la chaîne pré littorale. Grâce à ces conditions climatiques, une grande partie des vignobles de l’Appellation d’Origine est classée dans les III et IV de la classification de Winkler et Amerine, ce qui les rend particulièrement aptes pour produire des vins blancs de qualité, secs ou légèrement moelleux, en utilisant les cépages appropriés à chaque fois pour obtenir les contenus nécessaires en acides et en aromes. Toutes ces circonstances ont permis aux vins d’Alella de bénéficier d’un grand prestige depuis de nombreux siècles sur les marchés les plus éloignés. Seulement à titre indicatif, permettez-moi quelques brèves références historiques aux vins de cette région. Connus sous l’antiquité comme vins de la Laietania, ils sont l’objet de plusieurs citations d’auteurs latins comme Pline, Martial, Varron et Colurnelle. L’activité exportatrice de vins de la zone en direction de la Rome métropolitaine, de la Narbonnaise et de l’Aquitaine est reflétée par les découvertes archéologiques qui  comptabilisent plus de 58 marques d’amphores (dénommées Laietana-1 et Pascal-1 par les spécialistes) provenant de fours céramiques situés dans ce qui est aujourd’hui la région du Maresme où se trouve Alella. L’activité viticole fut intense entre le 1er siècle avant Jésus-Christ et le IIe siècle après, moment à partir duquel la production commence à baisser.

Au Moyen Âge, les vins du Maresme furent les vins préférés de la cour des comtes de Barcelone et à l’époque de Jaume 1 (1227), les commerçants barcelonais obtinrent le monopole pour l’exportation du vin de la région. Aux XVe et XVIe siècles, les références à la culture de la vigne sont constantes dans les archives municipales, paroissiales et notariales des bourgs de l’actuelle Appellation. Au XVIIIe siècle, époque de la grande expansion de la vigne en Catalogne, dérivée du progrès agricole général, comme le signale le professeur Pierre Vilar, Alella établit la production de vin la plus forte avec plus de 50% de son sol agricole destiné à cette culture. Elle consolide sa position de grand fournisseur du marché barcelonais et son vin devient le vin préféré des chanoines de la cathédrale de Barcelone. En 1786, Navarro y Mas, le spécialiste le plus important de l’agronomie de l’époque en Catalogne, signale la supériorité des vins d’Alella, de Teià et des villages voisins sur le reste des vins de la Principauté de Catalogne. L’histoire moderne du vin d’Alella, à partir de la crise phylloxérique, est marquée par une certaine volonté de progrès, étant donné que la zone a été pionnière en ce qui concerne la rénovation variétale, la vente et l’exportation de vins mis en bouteilles sous une « marque » commerciale (1906) et quand a été reconnue juridiquement sa personnalité en tant que zone productrice de Vins d’Appellation d’Origine (1933), ce qui a fait d’elle une des premières Appellations d’Origine espagnoles.

Je cite quelques données sommaires pour montrer l’importance, la tradition et le prestige de la zone viticole dont je parle. Évolution de l’encépagement, même si nous disposons de multiples références historiques sur les plantations de vignes et le commerce du vin dans cette zone, ce n’est pas le cas en ce qui concerne les cépages, qui au fil du temps, y ont été cultivés pour donner une origine à ces vins si prestigieux auxquels nous avons fait allusion. Nous pourrions faire référence aux diverses variétés vinifères que les  auteurs citent comme culture la plus courante sur le territoire de Catalogne mais nous n’avons trouvé aucune référence concrète sur des variétés spécifiques ou implantées dans la région littorale de la province de Barcelone à l’époque pré-phylloxérique, alors que même si elles ne sont pas abondantes, nous pouvons citer plusieurs auteurs faisant référence aux caractéristiques des vins d’Alella et de la comarca antérieurs au fléau.

En ce qui concerne les variétés typiques de la Catalogne, aussi bien l’ouvrage « Llibre del Prior » de Frère Miquel Agusti, intitulé ainsi parce qu’il a été prieur de la ville de Perpignan, que l’oeuvre déjà citée de Navarro y Mas font référence aux raisins des cépages Macabeo, Xarel’10, Pansas et Muscat. Dans l’oeuvre de Simon de Rojas Clemente (1817), véritable initiateur de l’ampélographie scientifique et reconnu par Pierre Viala comme le premier ampélographe de l’histoire, nous ne trouvons pas de citations concrètes sur les cépages d’Alella, bien que Bonaventura Castel1et (1865), évoquant les variétés de la Catalogne, cite Rojas qui assimile de façon erronée la variété Xarel’lo au Jaen blanc, quand selon Galet, ce sont deux cépages différents. Du point de vue administratif, les références variétales ne sont pas non plus très nombreuses. Ainsi, dans le « Libro de amillaramientos de AZella », correspondant à la période 852-1859, il n’évoque à aucun moment les cépages et il se contente de faire une liste des surfaces de vigne en les classant en 1ère, 2ème,3ème et 4ème classe, ce qui peut se comprendre dans un document officiel qui avait exclusivement des effets fiscaux.

Nous devons étudier les plantations effectuées dans la zone après la phylloxérie – arrivée à Alella en 1886 – pour avoir une preuve certaine de la nature de l’encépagement de la zone, qui a été à la base de la composition actuelle du vignoble d’Alella, une composition variétale qui probablement n’était pas très différente des vignobles disparus avec le fléau. En effet, la pratique courante dans toutes les zones viticoles a été de greffer sur des pieds américains les variétés traditionnelles de la zone. Cependant, il n’en est pas moins vrai que la disparition avec la phylloxérie des vieux vignobles a permis, dans certains cas, un changement de cap de la production viticole et de l’orienter vers l’élaboration de vins d’une qualité différente et meilleure que les vins antérieurs, parfois destinés à la distillation. C’est ainsi que dans un premier temps, c’est-à-dire aux alentours de 1888, nous trouvons à Alella des références de cépages rouges, le Sumoll et le Garnacha (Grenache) noir, et parmi les blancs, le Pansa blanc a (Xarel’lo), le Macabeo, le Malvasia (Malvoisie) et le Picapoll, dont certains, comme le Pansa par exemple, constitue encore aujourd’hui la base de la vigne de la zone, tandis que d’autres ont pratiquement disparu, comme le Malvasia et quelques autres, comme le Sumoll, ne sont pas légalement autorisés. L’évolution rapide et normale des techniques agricoles et oenologiques et surtout la nécessité de s’adapter à de nouveaux marchés a fait que la typologie des vins d’Alella et par conséquent l’encépagement de son vignoble, ont évolué lentement avec le temps. C’est ainsi qu’il faut ajouter comme cultures dans la zone aux variétés citées comme les principales, aux alentours de 1930, le Grenache blanc et le Pedro Ximenez ainsi que la variété noire l’Ull de llebre (nom local du Tempranillo).

Entre ces deux références, beaucoup de choses se sont passées dans l’histoire du vin d’Alella, des choses qu’il serait long d’expliquer et qui ne sont pas l’objet de cette réflexion, mais qui en tout cas justifient et expliquent l’évolution variétale. Actuellement, les variétés utilisées, ou mieux dit, autorisées pour l’élaboration des vins blancs d’Alella sont: le Pansa blanca ou Xarel’lo qui est la base de l’encépagement traditionnel, le Grenache blanc, le Pansa rosé, le Picapoll, auxquels il convient d’ajouter ces derniers temps le Parellada, le Macabeo, le Chardonnay et le Chenin blanc. Il faut cependant préciser la disparition, dans la pratique, du Malvoisie, du Pansa rosada, du Picapoll et du Pedro Ximenez, qui à un moment donné a été essayé. En ce qui concerne les cépages rouges, très minoritaires dans la zone, aux traditionnels un de Llebre (Tempranillo), Garnacha peluda (Grenache local) et Grenache noir, se sont ajoutés dernièrement l’inévitable Cabernet Sauvignon et le Merlot. Je ne commettrai pas l’imprudence de tenter de décrire les caractéristiques ampélographiques ou agronomiques de ces variétés devant une assistance comptant tant de connaisseurs illustres de la vigne. Je vous renvoie en tout cas aux nombreux travaux sur le sujet du Professeur et académicien Monsieur Pierre Galet, qui est la source à laquelle nous devons nécessairement recourir, nous tous les spécialistes ou simplement les personnes curieuses de percer les secrets des cépages de nos zones respectives.

Je me limiterai seulement à constater que la variété la plus caractéristique de la zone d’Alella et celle qui contribue de manière décisive à donner une personnalité et une typicité à ses vins blancs est la Pansa blanca, également appelée Xarel’lo, bien que le fait d’identifier les deux termes avec un seule cépage devrait faire l’objet d’une étude approfondie chaque fois que les clones de Pansa Blanca adaptés depuis de nombreuses années (depuis la fin du XIXe siècle) au vignoble d’Alclla présentent quelques petites différences morphologiques et physiologiques avec les clones de Xarel’lo commercialisés aujourd’hui, surtout ceux provenant de la zone du Penedès.

Évolution des vins 

Les compositions successives de l’encépagement du vignoble d’Alella que nous venons de voir ont nécessairement influé et fait évoluer pourtant les caractéristiques des vins qui y ont été élaborés, non leur authenticité, y compris en laissant en marge la progressive implantation des nouvelles technologies dans les caves productrices. De manière très schématique et en mettant de côté les spéculations sur les propriétés des vins « historiques » d’Alella, pour le dire d’une autre façon, nous pouvons distinguer trois étapes clairement différentes en ce qui concerne les caractéristiques des vins de la zone ces 150 dernières années, pour le délimiter. À mon humble avis, ce classement pourrait être schématisé de la manière suivante :

a) Vignoble pré-phvlloxérique , composition variétale traditionnelle, production majoritaire de vins d’un certain prestige (citations de Navarro y Mas, baron de Maldà, etc.) destinés à être commercialisés sur des marchés voisins et aussi à l’exportation, à la différence d’autres zones catalanes qui consacrent leurs vins surtout à la production d’eau-de-vie. Les particularités de ces vins sont peu connues, bien que nous devions supposer qu’elles étaient typiquement celles des vins méridionaux si nous devons nous en rapporter aux descriptions qu’en font les auteurs de l’époque. Ainsi, Bonaventura Castellet (1865) fait référence aux « rancios d’Alella et de Teyà et d’autres de la côte de’ Levante », également dans le catalogue de l’Exposition universelle de Barcelone de 1888, il y a quelques vins d’Alella ayant un taux d’alcool de 14° à 17°, ce qui nous fait aussi penser à leur caractère de vins généreux.

b) Au XXe siècle, les vins d’Alella sont élaborés à partir d’un encépagement traditionnel avec une disparition progressive de variétés comme le Malvoisie et l’incorporation d’autres cépages comme le Grenache blanc ou de variétés expérimentales comme le Pedro Ximenez. Les vins les plus importants de la zone sont les blancs, légèrement doux (environ 20/ 25 grammes de sucres résiduels), d’Un taux d’alcool moyen (13°), élevés dans des fûts en bois de grande capacité et commercialisés au moins lors de leur troisième année. Les vins généreux perdent peu à peu leur rôle principal, tandis que : les rosés et les rouges se consolident en tant que production minoritaire. Il s’agit de la période de forte expansion commerciale du vin d’Alella, aussi bien sur le marché catalan que sur le marché espagnol et international. La marque la plus importante, « Marfù d’Alella », est devenue presque un nom générique pour désigner un type de vin de qualité, de « marque » disait-on alors, et la caractéristique bouteille- rhénane est tout un symbole du vin de cette Appellation.

c) Du dernier quart du XXe siècle jusqu’à aujourd ‘hui. De nombreux cépages traditionnels ou moins traditionnels mais qui à un certain moment avaient fait partie du vignoble de la comarca ont pratiquement disparu: (Malvoisie, Picapoll, Pansa rosada, Pedro Ximenez; Sumoll, Garnacha peluda), tandis que d’autres, d’origine étrangère, se sont consolidés avec force. C’est le cas du Chardonnay, du Chenin blanc, du Cabernet Sauvignon et du Merlot. Notons la continuité de la variété Pansa blanca, majoritaire, du Macaibeo, du Grenache et du Parellada. Parmi les raisins noirs, le Grenache noir.

Les vins prennent différentes variantes. Le blanc d’Alella classique, le plus représentatif de la zone, perd son caractère de vin vieilli et devient un vin blanc avec un léger taux de sucres résiduels, aromatique, frais et fruité, d’une graduation modérée et avec une bonne acidité. Autres vins : les blancs secs, fermentés en barrique et les rouges d’élevage, en général de très bon niveau, mais dont nous savons qu’ils ne sont pas les plus représentatifs de la zone au point de vue de la valorisation de la typicité et de la tradition. La typicité en danger? Ladite évolution des vins d’Alella, cette lente transformation de l’encépagement, affecte-t-elle les concepts de typicité et d’authenticité des vins actuellement produits dans la zone? C’est la clé de la question. Même s’il convient de ne pas entrer dans un débat sur les mots, car souvent les questions sémantiques empêchent de voir le fonds du sujet qui préoccupe, il s’avère nécessaire d’analyser quels concepts se cachent sous ces mots. Nous avons dit au début que le terme typicité a une histoire relativement courte dans la définition des vins de qualité.

Au concept traditionnel d’AOC (appellation d’origine contrôlée) sont associés les concepts d’originalité, d’authenticité et de qualité. Le concept de typicité n’apparaît ni dans les définitions initiales de Joseph Capus, ni dans toute la doctrine postérieure (convention de Lisbonne de 1958 ou réglementation CEE). Ce mot, dont on abuse probablement – 53 900 pages en français sur Internet pour le terme « typicité des vins » -, ce concept, souffre d’une certaine ambiguïté car il est défini comme ce « qui est similaire à d’autres vins de la zone », « qualité particulière d’une AOC » un « certain air de famille ». Dans ce sens, et pour confirmer la difficulté d’établir une définition, notons l’intérêt du travail présenté par le groupe de membres de l’INAO / INRA, signé Casabianca et autres, au Symposium international- « Territoires et enjeux du développement régional », qui a eu lieu au mois de mars 2005 à Lyon. Quelquefois, il semble que la typicité soit une espèce de portrait-robot du vin d’une zone, mais le « portrait-robot » est utilisé pour rechercher un délinquant, jamais un génie, si vous me permettez cette plaisanterie.  En guise d’exemple de cette difficulté parmi les nombreuses références à la typicité auxquelles je me suis référé, nous avons trouvé un travail d’un centre aussi prestigieux que l’Instituto Sperimentale d’Enologia d’Asti, qui prétendait faire une évaluation de la typicité du vin Grignolino d’Asti (20.000 h1). Les résultats montrent la difficulté de définir la typicité. Une question que beaucoup formulent, et que je me pose aussi, est si l’obsession pour la typicité ne pourrait pas nous conduire à une standardisation banale et médiocre des vins de qualité et de tradition, particulièrement ceux protégés par une AOC ?

Fonder les AOC sur les usages « locaux, loyaux et constants » semble une prémisse conceptuellement établie et admise par tous ceux qui ont adopté ce système de production, de protection, de marque commune. Mais en ce qui concerne l’encépagement et son évolution, qui est le thème provoquant cette réflexion, à partir de quand a-t-il un caractère traditionnel ? Parfois, la tradition malentendue n’est-elle pas une excuse pour une certaine routine ? Peut-être que ce n’est pas le cas de la rénovation variétale, mais ça l’est sans doute de nombreuses pratiques viticoles et oenologiques. Je suis conscient de réveiller avec mes mots une problématique complexe et de longue portée qui, outre les thèmes cités très superficiellement, concerne la polémique de la marque contre l’appellation, la querelle entre traditionnels et modernes, la possibilité d’un appauvrissement variétal si les zones viticoles tendent à remplacer des variétés traditionnelles par les six ou huit grands cépages au prestige mondial, pour ne pas parler de certaines pratiques oenologiques ou viticoles liées aux technologies les plus modernes. La portée et les dimensions de cette vaste problématique de la production de vins de qualité, en cette période particulièrement délicate de la viticulture mondiale, dépasse dans une grande mesure l’expérience – pas mon inquiétude – en tant que viticulteur et fabricant dans une petite zone viticole catalane.

Néanmoins, ces moments sont en même temps préoccupants et passionnants, surtout pour nous qui venons du monde de l’entreprise, un monde compétitif et plein de défis constants pour répondre de manière adéquate aux exigences du marché et de la concurrence. C’est dans l’application de ces critères entrepreneuriaux que ma conclusion, à la vue de l’évolution de l’encépagement dans l’Appellation d’Origine Alella, où des cépages étrangers ont été implantés avec modération, ne met en crise ni la qualité ni l’authenticité des vins qui y sont produits, surtout parce que la base de l’encépagement continue à être une variété traditionnelle comme la Pansa blanca, avec plus de 200 ans d’implantation dans la zone. Néanmoins, le terroir est la meilleure garantie depuis toujours de la permanence des caractéristiques définissant les vins d’Alella. Si ces vins sont si appréciés sur les marchés, c’est grâce à leur originalité et à leur qualité. Il est possible qu’une rénovation modérée de la typologie des vins, surtout les blancs d’Alella, permette d’élargir et d’une certaine manière d’actualiser l’offre sur les marchés car dans le cas contraire, peut-être que d’autres feront la conquête de marchés qui pourraient être pour nos vins. Et ma réflexion sur les vins de cette petite zone peut être valable pour toutes les petites zones productrices de vins de qualité qui ont des racines profondes dans l’histoire mais qui pour survivre, au bénéfice des satisfactions que leurs vins peuvent encore nous concéder, doivent regarder avec sérénité et décision l’avenir qui s’approche.