La Viticulture au Texas – Par ANDRÉ CRISPIN

En m’adressant à cette noble assemblée, qui réunit les Sommets de la Culture vinicole du monde, je me sens comme l’individu qui, enfermé dans une barrique, est sur le point de franchir le bord des chutes du Niagara, sans savoir s’il s’en sortira. Le monde civilisé aurait peine à croire que les « cow-boys » et les « pétroliers » du Texas, aient pu développer la viticulture au point où elle est aujourd’hui. Et comme vous allez voir, elle n’en est qu’à ses débuts. Mais, après tout elle ne fit que s’inspirer du succès de l »Argentine, dont on appréciait si peu les vins il y a à peine trente ans! Le deuxième Etat américain en superficie, après l’Alaska, de la taille de la France, était essentiellement une économie agricole et forestière jusqu’à la fin du 19ième siècle. Alors qu’on y exploitait déja la vigne au 16ième siècle le long du Rio Bravo (appelé Rio Grande aujourd’hui), à la frontière actuelle du Mexique, lorsque le territoire faisait encore partie de l’empire espagnol. On se fit un idée fausse, à l’étranger, en Europe et même dans certains coins de l’ Amérique, du vrai caractère actuel de cette partie du pays. Le Texas est la onzième puissance économique du monde, en matière de produit brut domestique. Il possède une culture affinée et abondante.

Le Texas dispose des meilleurs orchestres symphoniques aux Etats-Unis, ensembles de danse, ballets, opéras, musique de chambre, théâtres, musées réputés comme La Collection de Ménil à Houston, le Musée des Beaux Arts de Houston et de Dallas, le Musée Kimbel de Fort Worth, la Gallerie d’arts de l’université de Houston et bien d’autres. Il y existe plus de cinquante universités et écoles supérieures, dont plusieurs animent d’excellents Conservatoires de musique, de voix, d’opéra et de théâtre. Houston, la ville principale, compte 4 millions d’habitants, réalise à elle seule plus de 2000 manifestations culturelles par an, tels des concerts symphoniques, de la musique de chambre et des récitals de tous genres, beaucoup d’entre eux étant ouverts au public, accessibles à bas prix ou gratuitement, hormis les programmes saisonniers des arts classiques. Les collections privées de peintures et d’objets d’art abondent. Plusieurs festivals de musique, de théâtre, cinéma, folklore et de sports de tout genre. Il n’est donc pas surprenant que la culture et la consommation du vin, texans et autres, aient pris un essor considérable, qu’il y existe des caves particulières impressionnantes et que la viticulture représente, depuis 1970 un apport économique remarquable.

Je propose de vous présenter un rapport succinct sur le vignoble texan en général et le millésime 2001 en particulier, les statistiques sur les récoltes ultérieures n’étant pas encore disponibles.

Le Panorama :

La viticulture moderne au Texas a fait ses débuts à la fin des années 60. Trois régions se distinguent pour la production du raisin vinicole au Texas: les « Hautes Plaines » dites  »Llano Estacado »; les hautes côtes de Fredericksburg et les contreforts des « Rocheuses », des monts « Davis » et « Guadaloupe ». On y trouve des sols arables à des altitudes de 300 à 1200 mètres, aux hivers froids et nuits fraîches au printemps et en été et des températures allant jusqu’à 30°-35° C. Un climat sec avec des précipitations annuelles ne dépassant guère 15 à 18 cm pour la plupart dans ces régions, et un terroir favorable à la culture du raisin vinifère. Le vignoble est donc arrosé par irrigation contrôlée goutte-à-goutte, nourrie par une énorme couche aquifère sur la quasi-totalité du territoire. Vous verrez plus tard des diagrammes étonnants sur la comparaison des courbes moyennes des températures de ces régions avec celles des principales régions vinicole comme Bordeaux, la vallée du Rhône, l’Espagne, le Portugal et la Californie, parmi d’autres.

Le Texas est actuellement le cinquième producteur de vin en volume, parmi les 50 Etats américains avec 1400 hectares de vignes, 40 établissements producteurs et une production de plus de 50,000 hectos. Plusieurs de ces établissements sont en pleine évolution et de nouveaux vignobles naissent régulièrement. Bien que les petits vivent principalement du tourisme pour écouler leur débit, plusieurs, parmi les plus importants ont déjà développé un marché national et international. Influence de la viticulture sur l’économie texane La croissance de la culture du raisin et de l’industrie vinicole continue d’exercer un effet positif sur l’économie de l’Etat. Pour 2001, par exemple, elle a contribué à $133,000,000 à l’ensemble des revenus pour l’Etat, plus les droits de régie perçus et impôts sur chiffre d’affaires de $3,000,000 pour un total économique indirect estimé à $10,5 millions.L’apport total est, en fait, plus important encore si l’on tient compte des revenus de l’hôtellerie et du tourisme engendrés par l’existence de l’industrie vinicole. Par exemple, on estime que ce tourisme a dépensé $23 millions en plus du revenu direct, Ces touristes achètent les produits de l’artisanat local et indigène vendus dans les caves de dégustation, logent dans des hôtels de luxe et fréquentent les bons restaurants lorsqu’ils font leur tournées vineuses. Le vignoble texan supporte indirectement quelque 1800 emplois accessoires.

Au cours de son développement durant ces dix dernières années, les appointements et le revenu du fisc ont augmenté sensiblement. Malgré la sécheresse et des conditions climatiques défavorables, le vignoble texan a récolté en 2001, 9,437 tonnes de raisin, suivant un premier relevé des Services Statistiques Agricoles au Texas (TASS). La valeur totale de la récolte de plus de sept Millions de dollars sur 1,174 hectares vendangés soit $800 la tonne et 8 tonnes à l’hectare. 160 hectares n’ont pu êtres vendangés, faute de maturité du raisin. Les cépages principaux de cette récolte sont: le Cabernet Sauvignon, le Chardonnay, le Sauvignon, le Chenin et le Merlot. Des expérimentations sont en cours depuis quelques années sur des cépages indigènes pour l’élaboration de vins nobles, ces cépages étant moins susceptibles aux maladies indigènes de la vigne. Dans l’ensemble des Etats-Unis en 2002, le vignoble s’étend sur 395,800 hectares, soit une augmentation de 3 % par rapport à l’année précédente, et un rendement de 14.8 tonnes l’hectare en moyenne. Sa récolte se monte à 6 millions de tonnes soit un recul de 15% sur l’année précédente.

La production du vin au Texas s’élève au total à quelque 54,000 hectos en 2001. La demande en raisin et en vin reste forte, sans accumulation significative d’inventaires. Bien qu’il y ait 46 chais et cave de dégustation, la production de seuls 40 d’entre eux, est rapportée en annexe. Des certaines d’exploitations ont été obligées d’importer du jus et du vin en primeur pour satisfaire à la demande. Le Ministère de l’agriculture du Texas prédit que la production pourrait atteindre plus de 75,000 hectos, d’ici 5 ans. Dans le cadre du vignoble et de la production de vin, le Texas est désormais le 5ème état producteur, après la Californie, New York, Washington et l’Oregon. La Maison Cordier de Bordeaux, dont vous goûterez quatre cépages de leur  »Peregrine HM » sa, cuvée prestige, Ste Geneviève, est propriétaire des Etablissements Ste Geneviève, situés aux environs de Fort Stockton dans la vallée du Pecos au « Far-west » de l’Etat.

Vente et Consommation.

La consommation de vin aux Etats Unis est à sa septième année de croissance consécutive, Cette croissance se manifeste aussi bien au Texas. Le taux d’augmentation de la consommation en 2001 était de 9% qui, en grosse partie est attribuable à une forte augmentation de la demande de vins de table. En l’an 2000 elle était à près de 12%, et en 1999 à 8%, comparé au taux d’augmentation dans la totalité du Pays, 4,5% en 2001 et 2.5% en 2001 de la consommation respectivement. Les texans continuent d’acheter des vins à l’étranger, soit 20.2 % de la consommation en l’an 2000. Les vins de Californie, Washington et autres Etats producteurs représentaient entre eux 76% de la consommation au Texas. Le Texas est arrivé au quatrième rang de la consommation de vins de table parmi les états américains. Dans le cadre des vins mousseux et désaltérants à bas taux d’alcool, la consommation est tombée de 0.8 et 19% respectivement. La quote-part du marché des vins texans dans l’état a augmenté de 4.8% en 1999 et de 5.8% en 2000. Elle a légèrement diminué en 2001, par manque de matière première. Sa capacité actuelle de fermentation dépasse 76,000 hectos.

Les producteurs utilisent les barriques en chêne français et américains, remplacées tous les deux ou trois ans. Certains d’entre eux vinifient en cuves inoxydables. 95% de la production des vins de table au Texas sont écoulés dans l’état même.

Description des zones de Viticulture de terrains arables et appellations au Texas

Llano Estacado (Hautes Plaines) comporte 31,000 KM2 de terres répandues sur 24 comtés allant du centre méridional jusqu’au « Panhandle occidental ». Les Hautes Côtes, Texas Hills, Environ 39,000KM2, répandus sur 22 comtés, le terroir potentiel le plus étendu aux EVA comprenant Fredericksburg et  »Bell Mountain ». Bell Mountain – 13 km2 de vignobles sur le flanc sud et sud-ouest de Bell Mountain, 15 à 25 ans au NE de Fredericksburg dans les Hautes Côtes – 285 km2 de vignobles autour de la ville de Fredericksburg et à l’est dans le comté de Gillespie. Escondido Valley – environ 130 km2 de terres à vignobles entre Bakersfield et Fort Stockton dans le Trans-Pecos. Davis Mountains – environ 11,000 hectares dans le « Trans-Pecos » du Texas occidental. Une petite surface dans la Mesilla Valley à l’extrême ouest, dont la partie la plus importante se situe au Nouveau Mexique et par conséquent n’est pas incluse dans la carte.

Les texans consomment près de 1,400,000 hectos de vin annuellement. Ils en produisent 54,000; ce qui donne à l’industrie une marge de croissance potentielle considérable. Ceci donne donc un potentiel de plus de 80,000 KM2 de terres non exploitées. La qualité du vin texan augmentant d’année en année, il sera bien placé pour se défendre et affronter la concurrence. Le Ministère de l’Agriculture ne cesse d’encourager la plantation de vignes et la construction de chais. Il y a actuellement 9 vignobles en formation en plus des 46 établissements producteurs. Le Ministère travaille avec les grandes universités pour la recherche dans le raffinement des cépages et leur adaptation aux sols disponibles; ainsi que l’utilisation et le croisement. des cépages existants avec des vignes autochtones. Le produit du raisin peut atteindre $4,400 par hectare dans les vignobles bien établis. Comparé à des récoltes récentes d’autre produits agricoles typiques au Texas: $660 pour le maïs, $540 pour le coton et $200 pour le froment. Statistiques encourageantes bien sûr, mais les risques de la culture de raisin vinifère sont aussi plus grands.

Cependant quelques maîtres de chais et jeunes oenologues ont émigré de Californie au Texas récemment. Comme le vignoble, les statistiques disponibles sont encore ‘jeunes ». Je cite cependant quelques éléments supplémentaires qui pourraient intéresser. Frais d’exploitation estimés (les frais de direction sont inclus). La zone Sud-Est est à $8,000 l’hectare; les Plaines méridionales à $3,000, le Llano Estacado à $6,000, les côtes Texas Hills à $7,500, le Texas Far West de $3,700 à $5,000. Le prix des raisins varie entre $650 et $1,100 la tonne selon le cépage. Les revenus du raisin par volume d’eau utilisé pour l’irrigation dépassent ceux des autres cultures. C’est ainsi qu’au comté de Pécos, le raisin exige 60 mètres cubes d’eau par saison, le coton 90 et l’alfalfa jusqu’à 180. Les installations pour l’irrigation se montent entre $2400 et $5000 par hectare. Le coût d’un puits artésien entre $10,000 et $50,000, les eaux distribuées ne conviennent pas à cause de leur contenu en chloride et en sodium. Les meilleurs sols sont sablonneux, bien qu’il existe quelques petits vignobles en terres argileuses.

Les maladies existent, notamment la maladie de Pierce qui peut ravager tout un vignoble dans l’espace de deux à trois récoltes. Il faut donc nourrir la vigne, combattre les mauvaises herbes, utiliser les pesticides bien contrôlés. Le tiers occidental de l’état est cependant moins vulnérable aux maladies. C’est dans cette zone que sont situées la plupart des appellations. Le mildiou poudreux, la pourriture de plusieurs genres sont aussi présents. Les animaux, tels les chevreuils, les raton laveurs, les tatous, les lapins sauvages ainsi qu’une multitude d’insectes adorent la vigne. Il faut donc la protéger avec des clôtures, dont le coût va jusqu’à $10 le mètre pour la protection contre les cervidés ou les pécaris. La terre, dans les meilleurs terroirs, coûte entre $2,500 et $10,000 l’hectare. La main-d’oeuvre pour la récolte manuelle se monte à $85 et peut atteindre $450 la tonne. Une vendangeuse mécanique coûte de $85,000 à $175;000 selon la capacité et la puissance. Voilà quelques éléments intéressants.

Je vais vous présenter quelques diagrammes afin d’illustrer ce que j’ai essayé d’exposer. Après quoi, nous allons déguster onze cépages de millésimes récents provenant de cinq producteurs bien établis. En annexe la liste des vins, dans l’ordre que nous proposons pour la dégustation.

Genève, le 5 décembre, 2003