• 30 septembre 2020
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LA COULEUR DE LA CRISE  

 

Et si 2021 était la continuation de l’horrible année du vin italien?  Les conditions sont réunies. Des trompettes retentissent en Italie pour la récolte 2020 qui s’annonce la plus riche en raisins du monde. Ce n’est pas un record enviable en présence d’une crise de la consommation sans précédent qui frappe tous les marchés et implique TOUTES les caves du monde en gonflant leurs stocks. Pour y faire face le ministre de l’Agriculture Bellanova avait alloué des mesures de destruction du raisin et du vin (distillation) finançables avec 150 millions d’Euros d’argent public, mais arrivés en retard et utilisés seulement pour un tiers. L’erreur, cependant, n’est pas du tout de Bellanova, mais des conseillers externes faisant partie de diverses associations et assistant aux tables de concertation. Ceux qui dans un premier temps ne voulaient pas entendre parler de distillation, pour ensuite ne l’accorder qu’aux vins de table, alors que c’est nécessaire pour les vins IGP et AOC. Ceux qui préféraient des mesures en faveur du stockage, encourageant à accumuler des stocks à la cave, comptant sur une sortie à bref de la crise et sur une reprise rapide de la consommation, qui au contraire n’auront pas lieu et l’agonie continuera. Ceux qui ont mis en avant mille réserves, ralentissant et rendant inopportune l’entrée en vigueur des mesures d’intervention publique, leur faisant perdre leur efficacité. Le secteur vitivinicole lié à l’Ho.Re.Ca et au tourisme connaitra une crise plus longue. Jusqu’à présent c’était une pluie de chiffres vrais-estimés-probables-faux, même de sources faisant autorité, pour commenter la poursuite de la crise. Ce n’est qu’à la fin de l’année que les stocks totaux de vin des caves italiennes seront connus et de mauvaises nouvelles sont attendues. Toujours à la fin de l’année, face à la baisse inquiétante des volumes, la baisse la plus spectaculaire et la plus visible de la valeur des exportations de vins italiens sera enregistrée. Les chiffres d’affaires pleureront. Lorsque les bilans des méga caves italiennes seront rendus publics au printemps 2021 et les vrais chiffres seront révélés, ce sera évident que pour beaucoup d’entre eux les pertes de chiffres d’affaires par rapport à 2019 dépasseront 20%. Les plus perdants seront cependant les vignerons qui vendent du raisin et les petits et moyens domaines artisanaux, le secteur le plus vaste et fragile. C’est à ceux-ci que le ministre Bellanova doit s’attendre à allouer plus de ressources lors de la confrontation qu’il mènera avec les conseillers externes.

Des mesures extraordinaires sont nécessaires en cette période de grave urgence. La première préoccupation doit être d’essayer de rééquilibrer le marché en donnant la priorité à un projet vaste-et-jamais vu-auparavant de la distillation, qui comprend également les vins IGP et AOC, à démarrer IMMÉDIATEMENT pour permettre de récupérer encore en 2020 près de 100 millions non dépensés lors de la mesure précédente, à conclure en 2021. S’inspirant de ce que sagement la France avait déjà fait avant nous.

Il serait également utile d’introduire en Italie dans les deux-trois prochaines années l’interdiction de l’utilisation du Moût Concentré Rectifié (équivalent de la chaptalisation), qui constitue pour ceux qui l’utilisent l’incitation par excellence à produire de plus grands volumes de raisin dans le vignoble.

C’est bien la demande d’aides supplémentaires pour la promotion, en permettant leur accès même aux projets d’investissement contenu. Sans oublier que dans les deux-trois prochaines années, il y aura un chaos sur les marchés internationaux, car les caves du monde entier auront du vin qui leur sortira des oreilles et seront sur les marchés pour essayer de le placer. De nouvelles idées sont nécessaires, penser à n’utiliser que les outils du passé ne sera pas d’une grande utilité avant le retour à la normalité.

Angelo Gaja

Septembre 2020

 

Réponse de Raymond Paccot

Bonjour Angelo,

Merci pour ton avis à propos de cette crise .

Ton analyse pessimiste est vraisemblablement juste.

Il est vrai que le monde du vin s’est un peu endormi, que beaucoup de nouveaux acteurs sont arrivés sur le marché, par mode ou par passion, mais parfois sans vraie connaissance .

L’arrivée sur le marché de bons vins  sans grande personnalité,  élaborés avec des recettes toutes faites et des produits œnologiques  faciles à utiliser, a également fatigué les consommateurs qui n’ont plus eu de petite lumières dans les yeux ni d’émotion .

En plus, d’autre secteurs des boissons s’inspirent du modèle du vin sans en avoir les contraintes légales, comme la bière, le cidre, le gin ou le rhum, pour n’en citer que quelques- uns. Ils vont détourner une partie des consommateurs du vin pendant quelques temps.

Il est donc encore plus nécessaire de croire au « Vin Noble », de continuer à développer cette philosophie du « Grand Vin » que tu as si bien défendue .

Nous allons souffrir, nous allons devoir être inventifs, mais je crois en cette stratégie qui a déjà prévalu lors de la création de l’Académie au début des année 70.

Faisons comprendre à nos gouvernements à quel point le vin est un produit agricole à haute valeur culturelle, et qu’à ce titre , il doit être défendu comme un patrimoine inaliénable auquel chaque citoyen peut s’identifier.

Reçois cher Angelo, mes respectueuses et amicales salutations.

Raymond Paccot

Chancelier