W.Bruendlmayer_Expressions_Vignobles2007

 

Le réchauffement de la planète va en s’accélérant. A Langenlois, la ville dans laquelle je vis et travaille en Autriche et qui est située à 70 km de Vienne, à proximité du Danube, on observe des dates de floraison et de maturité de plus en plus précoces Nous en sommes pour ces paramètres à environ 2 semaines d’avance par rapport à il y a 50 ans. Cela correspond à un réchauffement d’environ 1°C en 50 ans et cela a un énorme impact sur mes vignes et mon travail de viticulteur.

GRAPHIQUE 1: Dates de floraison à Krems/Langenlois/Grüner Veltliner

Les phénomènes climatiques sont de plus en plus extrêmes – des périodes de sécheresse succèdent à des périodes de pluie intense. Le niveau de stress dans les vignes ne cesse d’augmenter. D’après la plupart des experts, cette tendance devrait persister dans les 50 à 100 années à venir et même s’accélérer. Voici quelques graphiques illustrant les tendances de ces dernières années ainsi que les scénarios attendus dans un avenir proche:

GRAPHIQUE 2: Source: IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change): Augmentation des températures moyennes entre 1995 et 2004.

GRAPHIQUE 3: Changement des températures prévu jusqu’en 2070 – valeurs moyennes de tous les scénarios de l’IPCC.

GRAPHIQUE 4: NOAA modèle climatique. Changement des températures jusqu’en 2050 par rapport aux moyennes entre 1971 et 2000.

GRAPHIQUE 5: Toutes les méthodes, plus ou moins scientifiques, conduisent au même résultat, à savoir que l’augmentation de la température de l’air est un fait indéniable.

GRAPHIQUE 6: Le changement dans la répartition de la pluviosité est particulièrement grave. La tendance dans les régions viticoles à l’échelle mondiale: plus de pluie en hiver, moins de pluie en été, moins bonne répartition à l’année = plus d’averses fortes et plus de périodes de sécheresse importantes et plus longues.

GRAPHIQUE 7: Europe – Méditerranée: Changements des précipitations prévus entre 2071 et 2100 – en hiver (en haut) et en été (en bas).

GRAPHIQUE 8a: Changement de l’ensemble des précipitations en 2085.

Photo prise en aôut 2002 après des pluies diluviennes tombées sur Zöbing, village voisin de Langenlois:

Les changements climatiques décrits ici signifient: Détérioration des sols et des cultures suite à des pluies intenses, à une trop grande humidité dans le sol, à l’apparition de maladies causées par l’apparition simultanée d’humidité et de chaleur. D’autres problèmes peuvent se présenter, comme par exemple l’impossibilité de vendanger après des pluies diluviennes. Sans rajouter les problèmes encourus en cas de sécheresse accrue et ses conséquences sur la quantité comme sur la qualité des récoltes.

GRAPHIQUE 8b: Changement de l’ensemble des précipitations à la fin du XX1ème siècle:

Quelles sont les conséquences des changements climatiques sur nos vignes, sur nos vins et comment peut-on essayer d’y remédier en tant que viticulteur?

Gestion du stress dans les vignes

Tout comme pour l’homme, un niveau de stress modéré est favorable au développement des raisins et améliore la qualité du vin tandis qu’un excès de stress conduit chez l’homme (et l’animal) à un épuisement général. Dans les vignes, c’est pareil. En cas de stress trop important, les raisins produisent trop de polyphénols et trop de tannins.

Pour les vins rouges comme le Syrah ou le Cabernet Sauvignon, les tannins ne posent peut-être pas trop de problèmes, mais pour les cépages blancs comme le Riesling ou le Grüner Veltliner par exemple, nous devons essayer de les réduire au minimum si nous ne voulons pas mettre en jeu l’élégance et altérer le fruit de nos vins.

Selon le cépage et l’appellation, la gestion se fera donc au cas par cas. Il s’agit pour le viticulteur d’évaluer le niveau de stress idéal pour chacun de ses crus et chacun de ses cépages, afin de produire le vin le plus typique et personnalisé possible pour les parcelles dont il s’occupe. Le viticulteur a tout un outillage qui lui permet d’influencer le stress dans ses vignes. Voici quelques exemples:

Augmentation du stress par l’engazonnement/protection de l’érosion

Les pluies importantes que nous prédisent les chercheurs font craindre de graves problèmes d’érosion et de ruissellement dans nos parcelles dans un futur proche. Une des façons les plus simples d’y remédier est de mettre en place un système d’engazonnement dans les vignes.

Le gazonnement, qui est par ailleurs une méthode excellente pour faire perdurer la fertilité des sols de nos vignes, est un facteur de stress recherché, le stress étant dû à la concurrence dans la répartition de l’eau dans nos parcelles.

Diminution du stress par la plantation étroite

Une autre méthode traditionnelle pour gérer le stress dans les vignes est de planter le plus de pieds de vignes possible par hectare et de former ainsi la plus petite surface possible par pied de vigne, un rendement très faible par plant et un bon enracinement dans le sol.

Malheureusement, plus il ya de plants de vigne par hectare, plus il est difficile de cultiver quand on opte pour l’engazonnement et surtout quand on aspire à éviter le plus possible d’utiliser des herbicides.

Des vignes plus hautes, plus larges, et des écarts plus grands entre les plants font que celles-ci sont plus soumises au stress, mais rendent possible l’engazonnement tout en améliorant la fertilité des sols.

Diminution du stress par la réduction des rendements:

Un autre élément important dont disposent les viticulteurs pour réduire le stress est la réduction des rendements. Les méthodes utilisées pour réduire le rendement ont une influence décisive sur le style des vins produits à partir de ces raisins. Si le nombre de raisins est trop important, il faut le réduire en pratiquant la vendange verte ou, mieux encore, en coupant horizontalement les raisins en 2, grappe par grappe. Par cette méthode que nous utilisons déjà depuis quelques années, nous obtenons de bien meilleurs résultats qu’avec seulement l’utilisation de vendanges vertes.

Couper horizontalement les grappes en 2 pour réduire le rendement réduit le stress et l’état sanitaire du raisin.

Couper horizontalement les grappes en 2 permet d’aérer leur structure en assurant leur bon état sanitaire jusqu’a l’automne suivant. Nous obtenons par cette méthode d’excellents résultats. Il est possible que les vignes réagissent à la  » blessure » infligée au raisin et tentent de rendre les grains restants plus sains et plus résistants qu’ils le seraient devenus sans cette intervention du vigneron.

Diminution du stress par l’irrigation :

Mais l’une des meilleures méthodes pour mieux gérer le stress est la combinaison de l’engazonnement et d’un système d’irrigation au goutte à goutte. Avec cette méthode, les vignes sont soumises à un certain niveau de stress, mais le viticulteur peut l’augmenter ou le réduire à souhait.

Dans notre domaine, nous pratiquons l’irrigation au goutte à goutte depuis 1992. Nous avons commencé à installer ce système sur nos terrasses les plus arides.

L’eau utilisée provient de puits dans la vallée. Le long du fleuve Kamp. La première année nous avons fart l’erreur d’irriguer trop souvent. Puis l’expérience nous a montré qu’il valait mieux irriguer une fois par semaine au maximum par cycle. Mais avec des quantités d’eau plus importantes jusqu’à 2m de profondeur de racines. Une irrigation plus fréquente, mais moins abondante, ne fait que faire remonter les racines à la surface, ce qui n’est pas souhaitable bien entendu.

La sécheresse qui, à part le gel, représente le danger le plus important pour nos vignes a pu être ainsi maîtrisée.

Dégustation:

1. Heiligenstein Riesling 2006. 20 ans non irriguée

2. Heiligenstein Riesling 2006. 20 ans irriguée

3. Heiligenstein Riesling Alte Reben 2003. 50 ans non irriguée

4. Heiligenstein Riesling Alte Reben 2003. 50 ans irrigué

Irrigation ouverte/irrigation fermée

Premier résumé

Le premier résumé que l’on peut faire sur la mise en place d’une irrigation au goutte à goutte est qu’elle rend possible l’engazonnement et donc la protection du sol qu’il rend naturellement plus fertile. Une irrigation bien maitrisée signifie entre autres un risque moindre de problèmes de maturité des raisins. Dans les parcelles non irriguées. lorsqu’une période de sécheresse intense est suivie d’une période de pluies diluviennes, les raisins éclatent et la récolte est détruite. Grace à l’irrigation, ce danger est maitrisé.

La quantité d’eau utilisée dans le système du goutte à goutte est tellement infime qu’il n’y a pas à craindre de détérioration ni d’influence sur la qualité des millésimes. Par contre, les catastrophes dues à la sécheresse sont évitées et l’existence économique du vigneron est assurée. Je tiens cependant à préciser que je parle ici d’une situation comme on en trouve en Europe centrale – avec des taux de pluviosité qui tournent autour de 500 mm d’eau et moins par année.

Notre expérience à Langenlois:

L’irrigation est un moyen puissant pour influencer le stress et la croissance dans les vignes. Ni trop, ni trop peu de stress dans les vignes, ni trop, ni trop peu de croissance, c’est ce que nous recherchons. En général, les raisins noirs supportent plus le stress que les raisins blancs. Sur nos terrasses frappées par la sécheresse, nous avons observé que 4 années sur 5, les vins provenant des parcelles irriguées étaient plus mûrs, plus fins, avaient plus de caractère et se gardaient mieux. Ils gardent plus longtemps leur fraîcheur et vieillissent mieux. Pour la situation de mon domaine, l’irrigation au goutte à goutte a été et reste l’un des investissements les plus importants pour son avenir.