C’est un grand honneur, et un immense plaisir, pour moi que de me trouver aujourd’hui à l’Académie Internationale du vin pour vous parler d’un sujet qui nous anime tous : l’écoute de la nature, nécessaire à la production de vins de terroirs. En effet, et ceux parmi vous dont c’est le métier le savent mieux que moi, ce n’est qu’en aimant le vin qu’on arrive à en faire de bons, mais c’est aussi en observant la plus stricte rigueur et une éthique sans faille qu’on peut le faire dans la durée, et avec conviction.

A maints égards, mon métier d’historienne se rapproche de celui des métiers de la vigne et du vin : il nécessite non seulement de scruter le contenu des textes avec minutie, mais aussi de s’assurer de livrer la paternité d’une idée à son auteur. C’est ce que nous appelons aujourd’hui le droit d’auteur, ou plutôt le respect des sources.

Dans le domaine de l’agriculture biologique au sens large du terme, un personnage est souvent cité, notamment par les vignerons : Rudolf Steiner. Il est même généralement présenté comme son père putatif. Lui-même se targuait d’un certain nombre d’inventions, ou du moins de rénovations que sa pensée, qu’il estimait hautement spirituelle, concoctait avec force intuition et inspiration.

Qu’en est-t-il véritablement ? Après avoir rapidement présenté Rudolf Steiner, nous verrons les grands axes de sa pensée, avant de partir à la recherche de ses sources – qu’il a largement « occultées ».

Les révolutions ne sont souvent que des retours à la tradition. Celle que Rudolph Steiner aurait impulsée n’en fait pas exception, et l’intérêt croissant pour le respect de la nature par la raison nous incite à comprendre mieux l’origine de ses réflexions. Nombre de sources antiques et médiévales nous donnent un ancrage des chemins pris par la philosophie naturelle, et ayant conduit jusqu’à ce que nous entendons un peu trop souvent qualifié de « révolution bio ». En effet, les savants de l’Antiquité et du Moyen Âge se tenaient déjà intimement à l’écoute des lois de la Nature, conscients de ce qu’ils n’en étaient que des microcosmes à son image. Il ne leur échappait pas qu’ils avaient pour tâche de la préserver pour en transmettre les fruits au mieux de leurs compétences.

A défaut de preuves scientifiques, la profondeur historique nous permet de renouveler l’étude de la tradition à l’heure des réactions contre la modernité. Si l’historien n’a pas pour rôle de donner des conseils sur le présent, et encore moins sur l’avenir, il a pour devoir de fournir à ses contemporains des données susceptibles de lui permettre d’avancer, et d’être au moins de son temps, à défaut de pouvoir se transformer en Sybille – même si la « Sybille du Nord », Hildegarde de Bingen, nous guidera çà et là, de concert avec certains des plus grands savants du Moyen Âge.

I. Rudolf Steiner, de l’anthroposophie à la biodynamie

Portrait d’un supposé fondateur

Rudolf Steiner (1861-1925), fils d’un fonctionnaire des chemins de fer austro-hongrois, grandit dans une famille dénuée de tradition agricole.

Très tôt, il afficha des capacités intellectuelles extraordinaires, un intérêt exacerbé pour les mathématiques, les relations entre le monde sensible et le monde suprasensible, qui le conduisit à poursuivre des études doctorales (philosophie). Steiner entendait les sciences de la nature en un sens extensif (physique, chimie, biologie, anatomie, botanique). Voilà une approche qui nous rappelle celle des savants antiques et médiévaux, formés aux arts libéraux avant de s’élancer dans les disciplines théologiques ou alchimiques.

Steiner est un personnage complexe, dont il est difficile de tracer un portrait fluide. On dit souvent que son intérêt pour l’œuvre « scientifique » de Goethe lui permit de confirmer son intuition du problème du hiatus entre la matière et l’esprit – un dualisme que nous pouvons pourtant faire remonter au platonisme, et auquel Aristote avait répondu par sa théorie de l’hylémorphisme.

L’intérêt croissant que montra Steiner pour le spiritualisme, et la spiritualité d’inspiration « christique » et l’ésotérisme le conduisit à fonder son propre rite, la « Franc-maçonnerie ésotérique ».

En 1905, il fut nommé secrétaire général de la section allemande de la Société théosophique mondiale.

En 1913, il fonda l’anthroposophie, mouvement émanant d’un ésotérisme christique et occidental, à facettes inspirées du manichéisme (Steiner se pensait la réincarnation spirituelle de Mani). Les adhérents se manifestent rapidement, avant que des dissensions ne conduisent Steiner à fonder, en 1924, la Société Anthroposophique Universelle, et l’Université libre des Sciences spirituelles.

Le cours aux agriculteurs

C’est un Steiner souffrant – presque déjà agonisant – qui répondit à la demande d’agriculteurs inquiets de la mauvaise situation (qualitative) de leur activité en leur présentant une série de huit conférences connues sous le titre suivant :

Le cours aux agriculteursHuit conférences, une allocution, quatre réponses aux questions, faites à Koberwitz près de Breslau du 7 au 16 juin 1924 et une conférence à Dornach, le 20 juin 1924, un cahier des dessins faits au tableau noir[1].

En une dizaine de jours, Steiner enseignait les principes holistiques établissant l’identité d’une structure agricole fondée sur la relation entre le particulier et l’universel, la connexion entre l’homme et la terre d’une part, et le cosmos d’autre part. En effet, l’homme est le microcosme, à l’image de la nature, macrocosme.

« Il existe, aussi bien dans l’organisme de l’homme que dans celui de la femme, de nombreux autres phénomènes plus subtils qui sont des reproductions de rythmes naturels. »

Steiner, Le cours aux agriculteurs, p. 44

Pour exposer ses principes directeurs, Steiner considère la ferme comme un organisme, une entité close, dont le modèle (réduit) serait l’être humain, un corps à quatre dimensions : physique, éthérique, astrale, dimensions auxquelles il ajoute l’ego, ce dernier étant censé distinguer l’homme de l’animal.[2] Or, ces dimensions ne peuvent, pour Steiner, être appréhendées qu’en y recherchant ce qui se « cache » derrière l’apparence, donc derrière le monde sensible (chose qui se présente comme une vague paraphrase de Démocrite[3]). Il nommait cette « vérité spirituelle » tour à tour l’ « occulte » et la « science de l’esprit ». Telle est la source de l’occultisme steinerien, qui affirme que les phénomènes observables du monde physique sont autant de manifestations d’une réalité matérielle activée de la périphérie du cosmos vers la terre. Cet occultisme nécessite, d’après Steiner, une initiation pour l’accès à cette connaissance cachée, immatérielle. Se plaçant sans discrétion à l’avant-garde des initiés, il simplifiait ici le message pour attirer, le compliquant à l’envi en d’autres lieux, peut-être pour cultiver le mystère.

Voyons donc comment retrouver certaines vraies sources de notre recherche essentielle de la nature, les textes qui, originellement, portèrent cet élan vital dont nous sommes les humbles passeurs.

La difficulté majeure d’une présentation des sources historiques de Steiner tient à ce qu’il emprunte maintes idées à des savants, les mentionnant rarement, les transformant souvent. Pourtant, la plupart de « ses » idées ont été émises avant lui, souvent bien avant. Voyons-en quelques fondements, chronologiquement, en rendant aux grands savants du passé ce qui leur revient.

II.  Les sources de la biodynamie

Pour les savants prémodernes, la nature (physis) ne peut être appréhendée sans une étude extensive de ses implications. Comme R. Steiner l’a repris, il apparaît comme un microcosme de l’univers. Ce dernier macrocosme est constitué de quatre éléments, chacun desquels étant qualifié de deux qualités (par exemple, le feu est chaud et sec). On peut retrouver des éléments de pensée, éparpillés chez Steiner, dans les écrits des auteurs suivants :

• Démocrite (v. 460-370 avant notre ère)
• Platon (428-347)
• Aristote (384-322)
• Théophraste (372/370-288/286)
• Ptolémée (v. 100-180)

De Démocrite, qui arguait de la légitimité de l’intellect sur les sens, il reprit l’idée d’une supériorité de l’esprit. De Platon, il tira le principe idéiste, vaguement, cependant, et de manière détournée (en évoquant le curieux de « fusion cosmique », aussi étrange que dangereux puisqu’il indiquerait la perte de la liberté individuelle par l’homme qui laisserait les esprits qui l’habitent penser à sa place). Les principes aristotéliciens semblent plus galvaudés encore par Steiner. Au-delà d’une éthique douteuse, le moderne s’abstint de la recherche de précision du Stagirite et de son goût pour la rigueur taxonomique (reprise par Théophraste). Par rapport à Ptolémée, osons dire qu’il manqua à Steiner autant de talent que de quête de clarté. Mais, encore une fois, Steiner souhaitait faire passer son art à des initiés, non pas à des ignares…[4]

De brillants savants médiévaux peuvent donc nous servir de relais, parmi lesquels :

• Al-Kindi (v. 800-870), par son traité Sur les causes <des forces> attribuées aux corps supérieurs indiquant les origines des pluies, par décret de Dieu, nous procure une observation fine des mouvements lunaires qu’il convient d’étudier avec minutie.

• Le Liber de vindemiis (IVe-Xe s., traduit en latin vers 1136-1193), malgré sa transmission compliquée, nous indique l’avantage d’observer les mouvements de la lune lors des vendanges.

• Hildegarde de Bingen, par de nombreux ouvrages, botaniques ou mystiques, montre une sensibilité au rythme naturel et affirme l’existence d’une relation étroite entre les mouvements internes du corps et la Nature (forces vitales)

• Albert le Grand (1200-1280), par son intérêt encyclopédique pour “tout ce qu’il faut savoir du monde”, nous a laissé une série d’études concernant non seulement le domaine terrestre (biologique, zoologique, végétal, minéralogique), mais aussi le supra-terrestre (météorologie, métaphysique). Le Docteur universel indique l’alliance vertueuse de la terre, « la mère et la matrice des végétaux », et du soleil, « leur père ».

Voici des leçons que les amoureux de la vie et du vin ne peuvent plus ignorer. La recherche constante du cépage idéal pour une terre donnée vient ensuite accompagner ces données « élémentales » et cosmiques.

A notre époque, le poids de l’agrobusiness – ou du « vino business », pour reprendre le titre récent et largement controversé du livre d’Isabelle Saporta – témoigne de dérives en tous genres. Réagissant à une certaine forme d’industrialisation du vin, les relais médiatiques donnent l’avantage aux recherches et pratiques biologiques – parfois également de manière outrancière, au mépris de tout label.

Sans doute revient-il aux œnophiles d’énoncer les raisons de leur goût pour ces vins que l’on pourrait situer entre ces deux extrêmes, qui sont ceux que la plupart d’entre nous boivent avec plaisir. Car, que cherchons-nous d’autre que cette composante qui maintient – ou rend la santé ?

De nos jours, les thuriféraires de la biodynamie nous rappellent, à juste titre, à l’humilité. Nous ne sommes que des passeurs, de petits maillons de la chaîne du vivant, et il importe de comprendre comment abîmer le moins la terre – et les humains qui en consomment les fruits. Loin de rejeter les principes de la biodynamie, le propos de cet exposé était au contraire de tenter d’en sonder la profondeur historique et l’importance culturelle, en plus d’en réaffirmer le caractère salutaire. L’Histoire nous permet de retrouver l’essence des messages intrinsèques aux pratiques actuelles, en particulier celles des viticulteurs à l’écoute de la nature et des œnophiles. Le militantisme repose sur des convictions, et il n’est bon détracteur que celui qui trouve une justification à ses attaques. Je laisse donc la parole à Steiner – George, cette fois – pour qu’il donne un mot de la fin qui reflète à la foi mes convictions et l’élan vital (et livresque) qui me permettent de transmettre quelques messages historiques au sein de l’Académie internationale du vin en ce vendredi 5 décembre 2014.

« Les gloses s’efforcent de masquer, comme le lierre jaloux recouvre le tronc vivant, l’irréductible scandale d’amour pour ce qui donne le sens et la nécessité d’intelligence autonome que sont le poème, le tableau ou la mélodie »…

… C’est un privilège, donc, mieux, une sensation de rendez-vous essentiel, que je ressens en soumettant au lecteur français cette réflexion née d’une soif insatiable. »

George Steiner, Réelles présences. Les arts du sens[5]

Bibliographie

Sources

Aristote, Physique, trad. Pierre Pellegrin, Paris, GM Flammarion, 2002.

Albert le Grand, Physica, édité par P. Hossfeld. Aschendorff, 1987.

______. De vegetabilibus, édité par Ernst Meyer et Carl Jessen, Berlin, Georg Reimer, 1867.

Chansons satiriques et bachiques du XIIIe siècle, édité par A. Jeanroy et A. Långfors, Paris, Champion (Les classiques français du Moyen Âge), 1921

Henri d’Andeli, Œuvres de Henri d’Andeli, trouvère normand du XIIIe siècle, édité par A. Héron, Rouen, Imprimerie de Espérance Cagniard, 1880.

Hildegarde de Bingen, Physica (texte du Cod. Laur. Ashb. 1323, v. 1300 publié avec celui de la Patrologie Latina (Migne), édité par Irmgard Müller et Christian Schulze, Hildesheim-Zürich-New York, Olms-Weidmann, 2008.

Hildegarde de Bingen, Louanges, édité par Laurence Moulinier, Orphée, La Différence, 1991.

Liber de vindemiis. Ms. Paris, BnF, lat. 7131, fol. 100vb-101vb.

Ms. Bibl. Laurenziana, Codice Ashburnhamiano 1011, edited by Francesco Buonamici, Liber de vindemiis a Domino Burgundione Pisano de Graeco in Latinum fideliter translatus, in Annali delle Università Toscane 28 (1908), memoria 3, 1-29.

Nicolas de Damas, De Plantis Five Translations, édité par H.J. Drossaart Lulofs et E.L.J. Poortman, Amsterdam-Oxford-New York, North-Holland Publishing Company, 1989.

Steiner Rudolf, Le cours aux agriculteursHuit conférences, une allocution, quatre réponses aux questions, faites à Koberwitz près de Breslau du 7 au 16 juin 1924 et une conférence à Dornach, le 20 juin 1924, un cahier des dessins faits au tableau noir, traduit de l’allemand par Isle Démarest-Oelschläger, Motesson, Editions Novalis, 2013.

______. Agriculture, Fondements spirituels de la méthode bio-dynamique, Genève, EAR, 1999.

______. Les guides spirituels de l’homme et de l’humanité, texte remanié par R. Steiner à partir de conférences faites par lui en juin 1911 à Copenhague, traduit par Christian Lazaridès, Editions Anthroposophiques Romandes, 1984.

______. Mystics of the Renaissance and Their Relatoin to Modern Thought, New York-Londres, Putnam’s Sons, 1911.

______. Le Sens de la vie, Laboissière en Thelle, Editions Triades, 2006.

______. The States of Higher KnowledgeImagination, Inspiration, Intuition. Great Barrington: SteinerBooks, édition révisée, 2009.

Théophraste, De causis plantarum, Livres I-II, édité et traduit par Benedict Einarson et George K. K. Link, Londres-Cambridge : William Heinemann Ltd-Harvard University Press, 1976, The Loeb Classical Library, n°471 ; Livres III-IV, édité et traduit par Benedict Einarson et George K.K. Link. Cambridge-Londres, Harvard University Press, 1990, LCL 474.

______. Recherches sur les plantes, Paris, Les Belles Lettres, 1988.

______. Enquiries on plants, édité et traduit par Arthur Horts, Londres-Cambridge, Harvard University Press, 1916 ; 1926, LCL 70 ; 79.

Littérature secondaire

Aujac Germaine, Claude Ptolémée, astronome, astrologue, géographe, Paris, Editions du CTHS, 1993.

Besson Yvan, Les fondateurs de l’agriculture biologique, Paris, Sang de la Terre, 2011.

Bourguignon Claude et Lydia, Le sol, la terre et les champs : pour retrouver une agriculture saine, Paris, Sang de la Terre, (Les dossiers de l’écologie), 2008 et 2010.

Burnett Charles« Lunar Astrology. The Varieties of Texts Using Lunar Mansions, with Emphasis on Jafar Indus », dans Il sole e la luna, édité par Nathalie Blancardi, et al., Micrologus 12, Florence, SISMEL, Ed. del Galluzzo, 2004, p. 43-133.

Gaulin Jean-Louis, « Sur le vin au Moyen Âge. Pietro de’Crescenzi lecteur et utilisateur des Géoponiques traduites par Burgundio de Pise », Mélanges de l’Ecole française de Rome. Moyen Âge-Temps Modernes, (1984), p. 95-127.

Grant Edward, « Aristotelianism and the Longevity of the Medieval World View », History of Science 16 (1978) : 93-106.

______. Science and Religion, 400 B.C. to A.D. 1550 : From Aristotle to Copernicus, Westport (Conn.), Greenwood Press, 2004.

Grossel Marie-Geneviève, « L’écriture poétique dans les Louanges », dans Autour de Hildegarde de Bingen. Actes du colloque du Centre d’Etudes Médiévales de l’Université de Picardie-Jules Verne, Saint-Riquier, 5-8 Décembre 1998, édité par Danielle Buschinger, Amieux, Presses du « Centre d’Etudes Médiévales » Université de Picardie –Jules Verne, 2000, p. 63-75.

Lavalle M. J., Histoire et statistique de la vigne et des grands vins de la Côte-d’Or, 1855, réédité en 1972, Nuits-Saint-George, Fondation Geiswiler.

Libera Alain (de), La philosophie médiévale, Paris, PUF, 1993.

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Philosophical Issues in Aristotle’s Biology, édité par A. Gotthelf et J. G. Lennox, Cambridge-New York, Cambridge University Press, 1987.

Tucker William J., L’astrologie de Ptolémée. Commentaire du Tetrabiblos de Ptolémée, traduit de l’anglais par Janine Reigner, Paris, Payot, 1981.

Weill-Parot Nicolas, « Magie solaire et magie lunaire : le soleil et la lune dans la magie astrale (XIIe-XVe siècle) », dans Il sole e la luna, édité par Nathalie Blancardi, et al., Micrologus 12, Florence, SISMEL, Ed. del Galluzzo, 2004, p. 165-184.

Weisheipl J. A. (éd.), Albertus Magnus and the Sciences, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1980.


[1] Traduit de l’allemand par Isle Démarest-Oelschläger, Motesson, Editions Novalis, 2013.

[2] Voir, notamment, Steiner, Le Sens de la vie, Laboissière en Thelle, Editions Triades, 2006, p. 24 ; 28 ; 34 ; 44

[3] Démocrite d’Abdère, Fragments, trad. Jean Voilquin dans Penseurs grecs avant Socrate, de Thalès de Milet à Prodicos, Paris, GF-Flammarion #31, 1964, p. 170.

[4] Voir l’avant-propos de Steiner dans Mystics of the Renaissance and Their Relation to Modern Thought, New-York and London: G. P. Putnam’s sons, 1911.

[5] (titre original : Real presence. Is there anything in what we say ? 1989, Londres, Faber and Faber), Paris, Gallimard, 1991, « Avant-propos à l’édition française », p. 16.

Résumé

De nos jours, les thuriféraires de la biodynamie nous rappellent à l’humilité. Nous ne sommes que des passeurs, de petits maillons de la chaîne du vivant, et il importe de comprendre comment abîmer le moins la terre – et les humains qui en consomment les fruits.

L’Histoire nous permet de retrouver l’essence des messages intrinsèques aux pratiques actuelles, en particulier celles des viticulteurs à l’écoute de la nature et des œnophiles. Le militantisme repose sur des convictions, et il n’est bon détracteur que celui qui trouve une justification à ses attaques.

Les révolutions ne sont souvent que des retours à la tradition. Celle que Rudolph Steiner aurait impulsée n’en fait pas exception, et l’intérêt croissant pour le respect de la nature par la raison nous incite à comprendre mieux l’origine de ses réflexions. Nombre de sources antiques et médiévales nous donnent un ancrage des chemins pris par la philosophie naturelle et ayant conduit jusqu’à ce que nous entendons un peu trop souvent qualifié de « révolution bio ». En effet, les Anciens se tenaient déjà intimement à l’écoute des lois de la Nature, conscients de ce qu’ils n’étaient que des microcosmes à son image. Il ne leur échappait pas qu’ils avaient pour tâche de la préserver pour en transmettre les fruits au mieux de leurs compétences.

A défaut de preuves scientifiques, la profondeur historique nous permet de renouveler l’étude de la tradition à l’heure des réactions contre une modernité ravageuse. Si l’historien n’a pas pour rôle de donner des conseils sur le présent, et encore moins sur l’avenir, il a pour devoir de fournir à ses contemporains des données susceptibles de lui permettre d’avancer, et d’être au moins de son temps, à défaut de pouvoir se transformer en Sybille – même si la « Sybille du Nord », Hildegarde de Bingen, nous guidera çà et là, de concert avec certains des plus grands savants du Moyen Âge.