Les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) font beaucoup parler d’eux depuis qu’ils ont été introduits dans le domaine agroalimentaire. Mais les OGM ont multiples domaines d’application, et donc multiples facettes. Ainsi ne faut-il pas tout mélanger. En recherche fondamentale ou en médecine, ils constituent des outils pour étudier les fonctions des gènes ou produire des protéines d’intérêt pharmaceutique. Dans le premier cas, l’OGM est une “éprouvette biologique” au service du chercheur, dans le second, c’est une usine à protéines-médicaments. Dans le domaine agroalimentaire, en revanche, la situation est totalement différente. D’abord, il s’agit d’OGM destinés à être disséminés en plein air et non plus à utilisation confinée. Ensuite, dans l’agroalimentaire, l’OGM n’est plus utilisé comme un outil mais comme un organisme à part entière, ce qui soulève des problèmes d’ordre sanitaire, environnemental et éthique qui ne sont pas posés (ou en tout cas pas de la même manière) avec les “OGM-outils” utilisés en espace confiné. En particulier, le fait que ces plantes génétiquement modifiées (PGM) soient utilisées comme une fin en soi soulève la nécessité de maîtriser parfaitement l’impact des modifications génétiques, tant sur l’organisme entier et son devenir dans la chaîne alimentaire, que sur ses interactions avec l’environnement. Qu’en est-il exactement ?

Contrairement à ce qui est souvent affirmé, la technologie OGM n’a rien d’une méthode chirurgicale, et est au contraire une technique totalement aléatoire. Quand on introduit une modification génétique dans un organisme, et en particulier dans les plantes, on engendre des perturbations totalement incontrôlables du métabolisme de la plante, et d’éventuelles répercussions tout aussi imprévisibles dans la chaîne alimentaire. Les risques sanitaires de la technologie OGM découlent notamment du manque de contrôle de ces paramètres, et c’est la raison pour laquelle il n’est pas concevable que les OGM agroalimentaires puissent échapper à une évaluation sanitaire et environnementale rigoureuse et prolongée, d’autant plus que 99% des PGM cultivées à la surface de la planète sont des plantes-pesticides, c’est-à-dire qui accumulent des pesticides dans leurs tissus. Il s’agit soit de plantes qui produisent elles-mêmes l’insecticide leurs permettant de lutter contre un insecte dit ravageur (comme les maïs bt), soit des plantes capables d’absorber un herbicide sans mourir (comme le soja au Roundup), soit encore des plantes qui cumulent les deux propriétés. Ces pesticides se retrouvent donc directement dans la chaîne alimentaire, à des doses faibles mais récurrentes. Or, tous les tests de toxicité effectués dans le cadre des évaluations officielles sont réalisés sur des périodes dangereusement courtes qui ne permettent pas d’apprécier les éventuels effets chroniques. De plus, ils sont réalisés par les firmes elles-mêmes au nom de la protection industrielle, et les données brutes ne sont donc pas accessibles à l’ensemble de la communauté scientifique et de la société civile pour permettre des contre-expertises indépendantes.

Pour ce qui est de l’interaction des PGM avec leur environnement, se posent bien sûr, de façon générale, les problèmes de contamination (pollution) génétique, c’est-à-dire les risques que les modifications génétiques introduites volontairement dans une plante se retrouvent involontairement dans une autre ou dans un autre organisme, que ce soit par pollinisation (contamination verticale) ou par transfert direct de matériel génétique, notamment entre la plante et les micro-organismes du sol (contamination horizontale). A ces problèmes de pollution génétique s’ajoutent bien sûr les risques de disséminations dues aux flux incontrôlable des graines (transportées notamment par les oiseaux et autres animaux) et aux repousses, sans compter les difficultés de nettoyage du matériel agricole et les erreurs humaines. Outre les effets incontrôlables sur l’environnement, tous ces paramètres font que nous ne pourrons jamais disposer des garanties d’une parfaite étanchéité entre les filières agricoles. La coexistence entre ces filières soulève donc la question fondamentale du devenir des cultures conventionnelles et labellisées. En ce qui concerne les PGM non pesticides (moins de 1%), il s’agit essentiellement de plantes rendues résistantes à des virus — comme cela a été entrepris avec la vigne pour la rendre résistante au court-noué. Ces plantes représentent un risque environnemental spécifique considérable en ce sens qu’elles constituent de véritables réservoirs à virus recombinants.

Dans sa conférence, Christian Vélot développera et précisera tous ces aspects afin que la question de l’éventuelle utilité sociale des OGM agroalimentaires et des alternatives potentielles soit discutée au regard des risques environnementaux, sanitaires et agricoles qu’ils engendrent.