PREAMBULE

La culture du raisin dans les zones à vocation viticole et l’élaboration du vin à partir de ce raisin sont le produit d’une expérience plusieurs fois millénaire par laquelle il est suffisamment établi que:

  1. La transformation du raisin frais en vin est un phénomène spontané ne nécessitant comme intervention de la part de l’homme qu’une surveillance intelligente et des manutentions judicieuses, à l’exclusion de tout artifice assimilable à une fabrication. Commentaires: Ce point est fondamental; il introduit l’idée de Naturel et la précise en excluant avec raison la notion de fabrication. On dit que le raisin fraîchement cueilli abandonné dans un récipient sera la proie des levures. Elles transforment ce raisin à l’état solide en un liquide. Dans les deux cas, le fruit de cette transposition sera agréable à consommer, l’équilibre majeur des impressions amère et acide par le sucré ayant été transposées du raisin au vin. Au travers de ces transformations, l’homme assiste et guide cette naissance.
  1. A ce titre, le vin, même le plus ordinaire, n’est pas seulement une boisson fermentée mais beaucoup plus un milieu biologique, possédant par lui-même les facteurs de son équilibre interne et les éléments microbiologiques et biochimiques propres à orienter son évolution.                                                                                                Commentaires: On doit insister sur la notion de milieu biologique, c’est à dire la vie. Le vin ne possède pas un caractère figé ; comme chacun de nous, il va naître, grandir et mourir. Nous le connaîtrons nouveau-né, jeune, adulte, vieux et peut-être dans l’expression de la sagesse si sa naissance le lui permet. Ce sont les éléments de son « corps » qui évolueront.
  1. Dans des conditions écologiques bien définies, certains vins sont capables d’atteindre une originalité exceptionnelle résultant de multiples facteurs encore inconnus. Le caractère naturel du vin ainsi affirmé à travers les âges est une valeur de civilisation qui doit être conservée, tant pour le domaine d’investigation scientifique qu’elle représente que pour la préserver de la sophistication et de la dévaluation. Commentaires: Ici, l’idée du milieu intervient à nouveau; le fait que le plant de vigne se développe dans un terrain siliceux, argileux, calcaire, … qu’il soit en pente, à plat, … vont modeler l’expression du vin, la styliser. Ainsi, le vin naturel s’appuie sur trois notions: celles de spontanéité, de vie et enfin de milieu. Il n’est pas étonnant qu’une civilisation ait accompagné cette boisson dont le rythme de la vie peut être comparé à celui de l’homme.

RECOMMANDATIONS

  1. C’est un fait d’expérience que la qualité du vin terminé est sous la dépendance étroite de la qualité du raisin récolté. La recherche des facteurs de cette qualité doit donc débuter dés le stade viticole et non seulement dans les manipulations ultérieures. Commentaires: On veut insister sur la prévention: on ne guérit pas, on prévient. Pour cela, il faut suivre le vin dans sa production in toto d’amont en aval, c’est à dire depuis la vigne jusqu’au verre du consommateur. Toute erreur dans le choix des cépages, la conduite du vignoble, l’emplacement des parcelles, la vinification aura un rôle sur l’expression du vin.

LE RAISIN

  1. La qualité du raisin dans la phase de production, doit être considérée sous un double point de vue: un aspect intrinsèque et un aspect technologique. Cela signifie que le raisin doit avoir sa composition propre adaptée à ses performances. Le grain de raisin a la structure suivante : pellicule, pulpe, pépins, pinceau, pédicelle, avec une composition moyenne du grain. Le vin blanc est issu uniquement de la pulpe comme le vin rosé, c’est à dire du jus dénommé également « moût ». Le vin rouge provient de l’ensemble des éléments du fruit. L’aspect technologique doit être adapté au raisin et non l’inverse; Cela est important. En effet, trop souvent, on tient davantage compte de l’aptitude à la cueillette, du transport, sans songer au produit final).
  1. La qualité intrinsèque découle du milieu lui-même : elle résulte principalement du choix des cépages, porte-greffes inclus, adaptés à chaque région de production. Commentaires: L’idée est de dire ici que, suivant les natures de sols, sera choisi le moteur, c’est à dire les plants de vigne; le milieu impose « l’outil d’expression ».
  1. La qualité technologique est obtenue par l’intervention humaine ; elle découle de l’ensemble des procédés de production qui pour un cépage donné, lui apportent le maximum de valeur substantielle.                                                              Commentaires: C’est là l’œuvre de l’homme. Suivant ses connaissances, il va choisir le ou les cépages adaptés au milieu puis, compte tenu de celui-ci, en particulier du climat, il aidera le végétal à se développer en le protégeant des ennemis des cultures.

Ces procédés de production sont constitués :

  • d’une part de pratiques positives, notamment la sélection de variétés et de souches saines et les façons culturales;
  • d’autre part de pratiques préventives destinées à protéger la vigne et son fruit contre les détériorations du parasitisme animal ou végétal.
  1. Dans la recherche des facteurs de qualité technologique énumérés au paragraphe   précédent.

a) En ce qui concerne les façons culturales, on s’efforcera:

Pour le sol :

  • de maintenir toutes les conditions géophysiques des microclimats, de développer des pratiques visant à sauvegarder le milieu naturel de végétation en évitant notamment le dessèchement des sols et la destruction de leur microflore;
  • de favoriser le maintien et l’accroissement de l’humus et toutes conditions de culture naturellement limitantes pour le parasitisme. Il n’est pas superflu de rappeler que la vigne, monoculture permanente et millénaire, se trouve de ce fait, et plus que tout autre, exposée à l’épuisement et à la dégénérescence de son milieu.                 Commentaires: les éléments du sol sont responsables des caractères principaux des vins: la silice engendre la finesse, le calcaire le corps, l’argile la fermeté, l’excès d’humus le « commun ». Si l’on souhaite comprendre l’expression des vins sincères « petits » ou « grands », reflet des lieux de leur production, il est nécessaire de connaître ces influences. De même, l’excès d’humidité augmente l’acidité du vin, en refroidissant la terre, les plans et cours d’eau, les forêts, les haies, en équilibrant les masses d’air, en protégeant contre les vents dominants, marquent le caractère des vins.
  • Toucher à un de ces facteurs peut modifier la composition du vin donc son expression. Les sites viticoles doivent donc être protégés. Les entretiens du sol, mécaniques et exceptionnellement chimiques, devront respecter qualitativement et quantitativement la microflore du sol).

Pour le raisin :

  • De rechercher par la densité de plantation la taille, le choix et le dosage des fumures, une productivité qui conserve au raisin le maximum de caractères spécifiques, exprimé notamment dans les cépages rouges par le rapport « matières solides/phase liquide », sans méconnaître toutefois les besoins de rentabilité des exploitations. Sont préjudiciables entre autres à la qualité technologique du raisin, une minéralisation excessive qui élève le pH du milieu et la turgescence qui dilue les constituants.  Commentaires: À l’hectare, suivant les régions, on va trouver de 4 000 à 12000 pieds. Il n’y a pas si longtemps (un siècle), la vigne dans les pays d’Europe était plantée « mêlée » avec des densités allant jusqu’à 20 000 pieds/hectare. L’introduction de la traction animale a créé les rangs de vigne pour faciliter le passage des outils agraires. Suivant la nature des sols et leur profondeur, donc les possibilités d’enracinement, on choisira la densité de plantation. Devant des sols pauvres, siliceux, on rencontrera des densités faibles; pour les sols plus riches où le système radiculaire se développe, les densités seront élevées. Une densité importante permet aussi de limiter le développement radiculaire de la plante, donc son système aérien, régulant en conséquence la charge du cep, c’est à dire sa production.
  • Une charge trop élevée « dilue » en quelque sorte le grain de raisin, l’appauvrissant. Parmi les autres facteurs ayant une influence sur la composition du raisin, l’homme est responsable de la taille. C’est après bien des expérimentations qu’il est arrivé à conduire son cep pour lui permettre d’obtenir un raisin équilibré apte à se transformer en vin. La vigne abandonnée à elle-même, est une liane. Si elle n’était pas taillée, elle produirait un grand nombre de raisins, mais appauvris. Une treille qui est déjà taillée va produire un nombre important de grappes de raisin pouvant donner 6° d’alcool en puissance. Une vigne bien conduite pour donner un vin de 11° devra être plantée à 10 000 pieds/hectare et être taillée court, ne produisant que quelques grappes. Pour passer du raisin de table au vin, il est donc nécessaire de conduire la vigne en la taillant afin de limiter les grappes et ainsi de concentrer sur ce petit nombre, les éléments de la plante élaborés au travers de la photosynthèse. Les types de taille varient suivant les régions de production; on peut citer la taille Guyot, en gobelet, … C’est la nature du sol, la répartition du climat qui les a inspirés. C’est donc un véritable « mode de conduite » et non une fantaisie.
  • Les fumures – L’homme, en mettant à la disposition de la plante une solution du sol mal adaptée va la gêner dans son développement et modifier les caractères du vin. A l’heure actuelle, l’apport d’engrais doit être guidé par les résultats d’analyses de terre. Un excès d’engrais occasionne une végétation exubérante responsable du caractère « commun » des vins. Il entraîne également des déséquilibres dans le sol préjudiciables à la plante (blocage, lessivage d’éléments minéraux,…).
  • Rapport phase liquide/solide. C’est là un argument intéressant. Le raisin de cuve, une fois de plus, s’oppose au « raisin fruit ». Ce dernier cherchera à attirer l’œil – gros grains par exemple – permettant un présence en bouche plus volumineuse. Pour le vin, c’est l’inverse. Sur la pellicule du raisin sont fixées les substances responsables des arômes et de la couleur. Si le grain est gros, le rapport pellicule/chair du grain est plus petit. Le potentiel aromatique se voit donc réduit. C’est là une forme de dilution. Il y a donc lieu de ne jamais augmenter pour un cépage et un terroir donné la dimension des grains, soit par sélection du matériel végétal, soit par la conduite du vignoble).

b) Dans le domaine de la prévention active du parasitisme, il importe d’éviter l’escalade des procédés de traitements radicalement destructeurs de tel ou tel parasite qui, par « déséquilibre biologique », engendre la recrudescence d’autres formes de parasitisme. A cet égard, les ressources biologiques de la lutte intégrée devraient faire l’objet d’une attention particulière de la part de la viticulture.

Il importe d’éviter en outre les applications de traitements susceptibles:

– d’en laisser des résidus toxiques sur le raisin;

– d’en altérer la microflore;

– d’influer défavorablement sur sa constitution par une augmentation du volume des baies ou une diminution des constituants de la pellicule. En tout état de cause, il est indispensable que les résidus éventuels (ou leurs métabolites) de traitements sur les raisins soient entièrement métabolisés ou éliminés par la vinification sans diminution ou altération de la valeur hygiénique du vin.

Commentaires: Tout ce qui vit a besoin d’être protégé contre ses ennemis. La vigne, comme les autres arbustes, est assaillie par des champignons microscopiques comme mildiou, oïdium, pourriture grise ou des insectes comme la cicadelle, les araignées rouges et jaunes, la cochylis,… L’homme doit intervenir afin d’assurer la récolte. Mais si l’on incite à éviter l’escalade, c’est que trop souvent, les traitements sont exécutés par habitude et non en fonction des dangers réels en liaison avec les conditions favorisant l’éclosion, la propagation de ces ennemis des plantes. S’appuyer sur la lutte intégrée est au minimum une voie à suivre pour éviter une surcharge dans le milieu ambiant de molécules de synthèse.

LA VINIFICATION

  1. A l’issue de la phase culturale, la recherche de la maturité optimale du raisin est le facteur le plus important comme préalable à la conduite d’une vinification rationnelle. On retiendra à cet égard que la maturité optimale ne signifie pas nécessairement maturité maximale ni surmaturation. On la définit sommairement, en termes de richesse saccharine et d’acidité, comme l’état du raisin la plus propice à éviter de corriger les mouûts, et à donner une marge de composition définie du vin. (Dans les régions chaudes, cet état de maturité optimale est souvent dépassé, d’où résultent de nombreuses difficultés de vinification : richesse alcoolique excessive, insuffisance d’acidité, échauffements fermentaires, altérations du vin, … ).

Conunentaires : Maturité optimale: Pourquoi insistent-on sur cet aspect? Tout est équilibre dans le vin : les éléments acides, astringents, sucrés, brûlants, tactiles, … rebondissent les uns contre les autres pour tendre vers un équilibre, une cohérence sensorielle. Si le sol est responsable du style du vin chaque année, le climat va moduler sa silhouette. Il en est ainsi dans la plupart des pays viticoles à l’exception de la Grèce où la répartition climatique est très voisine d’une année à l’autre. Ainsi le millésime permet d’introduire deux idées: l’une sur l’âge du produit et l’autre sur sa silhouette climatique.

  1. A la vendange, il est nécessaire que les procédés de récolte et de transport livrent une matière première intacte au vinificateur afin que celui-ci puisse varier, selon son choix, la manutention du raisin, sa sélection, son tri éventuel, son utilisation possible comme vendange entière.

Commentaires: Le raisin doit être transporté intact à la cave de vinification. Là, suivant son état, sa nature, il sera mis en fermentation après avoir reçu des soins et des maniements adaptés.

  1. En vinification, particulièrement à la réception du raisin, il importe d’utiliser les formes de manutention les plus directes et les plus simples, en donnant toujours la préférence à celles qui évitent une dilacération des rafles, une trituration brutale des pellicules, une aération excessive des moûts. Cette recommandation est aussi valable pour la phase de décuvage et de pressurage des vins rouges.

Commentaires : S’il y avait écrasement du raisin à la vigne, des phénomènes enzymatiques et microbiologiques altéreraient la vendange. L’introduction de la vendange mécanique est une préoccupation pour l’œnologie. Il y a donc lieu, tout au long des phases de transformation du raisin en vue d’éviter les actions brutales responsables de meurtrissures ou de déchirures des tissus végétaux).

  1. Les procédés de vinification, en tant que système de traitement de la vendange, doivent tendre essentiellement à sauvegarder la qualité biologique du milieu et à en procurer la maîtrise au vinificateur. Aux traitements chimiques, on préférera les procédés physiques chaque fois que ceux-ci permettent d’atteindre un résultat équivalent ou amélioré. L’élaboration de vins spéciaux (vins naturellement doux, vins jaunes, vins effervescents,…) s’apparente incontestablement à des voies naturelles lorsqu’elle consiste à diriger judicieusement l’évolution particulière de ces types de vins sans artifices assimilables à une fabrication.

Commentaires: En blanc, on doit également insister au préalable sur la nécessité d’extraire le jus du raisin en ne retirant que la pulpe et non le jus des parties solides de la grappe. On tient ici à rappeler la nécessité d’éviter l’introduction de composés chimiques étrangers et à préférer des procédés physiques. Cette recommandation est complémentaire à la précédente.

  1. Les modifications de composition éventuelles applicables aux moûts en cours de vinification ne doivent être considérées que comme des correctifs ou des palliatifs lorsque les conditions climatiques de l’année ont infligé à la vendange une constitution insuffisante, instable ou inhabituelle. Ces corrections sont à effectuer dans les limites technologiques strictement nécessaires à des conditions correctes d’élaboration. Les ériger en pratiques constantes et systématiques constitueraient un abus et une dénaturation du vin. D’autre part, seuls sont acceptables les additifs de correction qui sont entièrement métabolisés, intégrés ou éliminés par la fermentation. Pour cette raison, on préférera en général corriger préalablement la vendange plutôt qu’ultérieurement le vin fait.

Commentaires: Lorsque les climats sont très différents d’une année à l’autre, on peut être amené à corriger soit des insuffisances d’acidité ou de sucre, soit des excès en ces deux éléments. Dans l’esprit des gens, c’est la correction d’un « manque de sucre » qui est la plus connue. L’idée de correction devant des conditions climatiques n’a rien à voir avec l’évolution connue sous le terme d’enrichissement, cette pratique étant condamnable car dans ce cas, on enrichit une matière appauvrie par des erreurs de production. C’est la différence entre l’action tendant à aider la plante en difficulté devant un climat maussade et celle qui officialise un laxisme dont les auteurs n’ont pas à être fiers. On insiste sur la nécessité de voir ces additifs de corrections être entièrement métabolisés. Ceci est important. Si l’on ajoute du sucre, il est entièrement transformé; par contre, un apport de moût concentré est en quelque sorte un coupage puisque ce moût concentré apporte non seulement le sucre mais également les autres éléments du raisin.

  1. Parmi ces correctifs, la CHAPTALISATION entre autres, ne constitue nullement une nécessité, même dans les régions où son usage est constant. Des documents anciens attestent que jadis, pour les vins locaux, une partie de leur valeur nutritive et hygiénique résultait de leur faible richesse en alcool et que la majorité des grands crus européens ont acquis leur célébrité avec un titre alcoolique sensiblement moins élevé qu’aujourd’hui. Il est prouvé qu’une chaptalisation modérée, limitée à moins de 2° d’enrichissement, apporte une amélioration certaine aux vins obtenus dans le cas où la richesse saccharine naturelle du moût est inférieure à la moyenne habituelle. Par contre, l’escalade au degré alcoolique qui tend à s’installer dans les usages viticoles est une aberration grave qui doit être dénoncée car elle déséquilibre les vins dans leur constitution, favorise l’alcoolisme et alimente la propagande des détracteurs du vin. Commentaires: La chaptalisation tire son nom de CHAPTAL qui fût le premier à préconiser cette pratique. Il existe une limite à toute correction et celle préconisée (2°) est de loin satisfaisante. Un excès de chaptalisation pénalise d’ailleurs son auteur car le vin acquiert un caractère gustatif brûlant et son expression aromatique est très atténuée. Le fait d’avoir laissé vendre le vin au degré est une erreur grave car, insensiblement, on a constitué des vignobles alcoologènes. Or, il n’y a pas que le sucre ou le moût concentré pour donner de l’alcool, les cépages peuvent eux-mêmes être responsables de la présence exagérée de l’alcool. Il est urgent de ne plus accepter que le degré alcoolique soit le critère de valeur du vin. Tout le monde est concerné depuis le producteur jusqu’au consommateur. Il faut revenir à une appréciation du vin pour l’ensemble de ses constituants dont le nombre, connu à ce jour, dépasse les 500.
  1. La durée de la vinification, son mode de conduite, les paramètres physicochimiques à lui appliquer seront inspirés par le principal souci de tirer de la matière première le  maximum des qualités intrinsèques qu’elle peut donner, alliées à la plus haute capacité naturelle de résistance aux altérations. Les pratiques empiriques des siècles écoulés ont déjà canalisé cette recherche dans des limites qu’il est important de ne pas méconnaître. Toutefois, dans les diverses zones viticoles du monde, il n’est pas certain que les usages établis, voire ancestraux ou réputés traditionnels, aient toujours donné le meilleur profit qualitatif qu’on puisse attendre de cette production. L’élaboration de vins de table notamment, même si elle fait appel à des moyens plus puissants, ne doit pas être dissociée de celle des vins d’origine ni s’orienter vers l’industrialisation de produits anonymes. Cette classe de vins consommée quotidiennement sur une vaste échelle nécessite une vigilance plus particulière au point de vue de l’hygiène et de la valeur alimentaire. Le dépassement de la routine, les ressources plus éclairées et plus méthodiques de la technologie et l’éducation des consommateurs à travers les échanges mondiaux, ouvrent encore à l’amélioration de nombreuses productions. Commentaires : La vinification est une opération à caractère microbiologique. Le phénomène principal est la fermentation alcoolique. Plusieurs races de levures vont intervenir pour transformer le sucre du raisin en alcool. Ce sera là, la résultante principale. Mais, du fait du changement de la phase liquide qui de sucrée devient alcoolique, des dissolutions de substances contenues dans les raisins rouges vont s’effectuer, enrichissant le milieu en particulier en polyphénols et en substances aromatiques. A ce stade de l’élaboration du vin, puisque l’on est devant un acte microbiologique, il est nécessaire d’être maître d’un facteur, celui de la température. On doit insister sur la nécessité de munir toutes les caves de vinification de moyens thermiques pour refroidir ou réchauffer, selon les pays, les raisins ou leur jus en fermentation. L’application des connaissances est encore loin d’être appliquée. Aussi, est-il certain que le vin, si les conditions de production du raisin ne sont pas entachées d’erreurs, tendra vers une expression de plus en plus sincère.

CONSERVATION ET LIVRAISON DU VIN

  1. La phase de conservation du vin en vrac après sa vinification représente le temps nécessaire à son évolution avant de le livrer à la consommation. Elle est surtout inspirée par le souci de conserver au vin ses qualités initiales et de ne pas compromettre son évolution, en le protégeant contre les détériorations auxquelles il est naturellement sujet. Pour les vins de table et de primeur, cette phase est réduite au délai nécessaire à la clarification du vin. Pour les vins de garde, elle implique une durée de maturation qui est une affaire d’usage et d’expérience.

Commentaires: Lorsque le vin est fait, il présente un aspect plus ou moins trouble et des caractères sensoriels de vin jeune marqués par exemple, par un mordant ou une astringence dominants. Dans un premier temps, le vin va donc se débarrasser de particules en suspension principalement constituées par des cadavres de levures et de bactéries et des petits fragments de matières végétales provenant des parties solides du raisin. Il va ainsi s’éclaircir et le dépôt – appelé lies – va se retrouver dans le fond des vaisseaux vinaires. Les soutirages, véritable décantation, vont ainsi séparer le vin clair de ses lies. Dans un second temps, des constituants du vin, insolubles sous l’action du froid, comme le bitartrate de potassium (ou gravelle), les matières colorantes, se sépareront, amenant le vin à une stabilité optique tout en éliminant certains caractères sensoriels « pointus ». Pour de nombreux vins rouges ayant une aptitude au vieillissement, le dépouillement doit aller plus loin. Ils seront mis au contact d’un auxiliaire précieux: le bois de chêne. La dimension des vaisseaux: tonneaux ou barriques ainsi que le temps de contact varient suivant les vins et leurs millésimes. Cette phase est dénommée « l’élevage des vins ». C’est une pratique importante et délicate. Elle doit aider l’expression du vin sans nuire à son originalité).

  1. Dans le domaine des vins de table et de primeur, la commercialisation précoce est une pratique à encourager pour tous les types de produits favorisés dans leur jeunesse par des arômes primaires originaux, mais inaptes au vieillissement. Dans certains cas, la mise en bouteille prématurée de ces vins effectuée avant que la stabilité physico-chimique naturelle ne soit atteinte, nécessite des traitements particuliers de stabilisation préalable à l’embouteillage. Pour ces interventions comme pour celles de la vinification, à efficacité égale, la préférence sera donnée aux procédés physiques plutôt qu’aux traitements chimiques.

Commentaires: Les vins nous offrent trois principaux stades d’expressions: les arômes primaires, secondaires et tertiaires. Les deux dernières phases s’acquièrent en bouteille. Le bouquet est une expression complexe du vin après une plus ou moins longue maturation en bouteilles, donc en milieu réducteur; ces impressions sont marquées seulement par l’origine due au terroir, le cépage s’étant effacé devant l’empreinte du milieu. La plupart des vins de table ainsi que les vins originaux primeurs sont recherchés pour leurs impressions primaires, leur aptitude à cette  maturation lente en bouteilles n’étant pas dans leurs propriétés. Afin d’amener le vin à la mise en bouteilles, il est recommandé de ne rien brusquer; le vin doit « suivre sa vie », l’homme doit seulement l’aider dans cette démarche en évitant toute introduction de substances exogènes.

  1. Toute espèce de traitement sera juste limitée à l’efficacité nécessaire pour le délai présumé de consommation du vin. Il importe que la recherche de la stabilité microbiologique ou chimique, ne dégénère pas en une escalade de la sécurité forcée: on préférera l’asepsie à l’antisepsie, et le conditionnement d’ambiance à la stérilisation chimique. La livraison de vins dévitalisés ou pollués d’additifs étrangers à leur constitution propre, dessert la cause du vin.

Commentaires : Ce paragraphe est complémentaire du précédent. Il insiste sur la notion de soins opposée il celle de traitements. Le consommateur joue également un rôle sur ce sujet. En critiquant la présence de petits dépôts dans le vin, il a obligé, dans bien des cas, le professionnel à pousser trop loin le dépouillement des vins afin d’éviter que celui-ci se termine parfois en bouteilles. Connaître le vin, le comprendre, être imprégné de son état évolutif donc instable, de sa sensibilité au froid et au chaud, devrait permettre d’excuser quelques défauts visuels aisément éliminés au moment du service par le gracieux geste de la décantation.

  1. En ce qui concerne les vins de garde, les modalités de leur conservation viseront surtout à un aboutissement naturel de stabilité chimique et microbiologique. On évitera, dans toute la mesure du possible, l’élaboration de vins dont les processus de transformation ne sont pas intégralement achevés, nécessitant de ce fait des procédés de conservation forcée. En outre, les traitements visant à la prévention de l’oxydation, à la stabilité microbienne ou au maintien de la limpidité, s’orienteront de préférence vers l’adoption de procédés physiques neutres ou de produits naturels s’éliminant sans résidus.

Commentaires: La finalité du vin prend encore ici plus de force. Le rôle de l’homme pour s’assurer du bon déroulement des processus est rappelé. Le contact de l’air est l’ennemi du vin en dehors de quelques vins spéciaux comme le Xérès ou le vin jaune du Jura. Faire l’ouillage, c’est-à-dire maintenir les récipients pleins, est une pratique essentielle dans l’élevage des vins. L’utilisation récente des gaz inertes en œnologie afin d’éviter le contact de l’air est une acquisition fameuse. Elle évite l’abus de l’emploi d’anhydride sulfureux.

  1. Pour toutes les productions vinicoles, il est souhaitable que la recherche technologique s’applique à développer l’étude des conditions de milieu dans le vin, en vue d’éliminer ou d’inactiver par les voies les plus naturelles les facteurs d’instabilité plutôt que de neutraliser ceux-ci par des artifices. (Commentaires : C’est le produit issu de son milieu qui dicte les soins à apporter au vin. Il faut s’éloigner de l’idée de vin technologique marqué d’un caractère commun).
  1. Il convient d’autre part d’orienter l’éducation du public en vue de donner la primauté aux qualités substantielles, gustatives et hygiéniques des vins, plutôt qu’à des facteurs d’apparence, tels que la limpidité ou la stabilisation obtenus au détriment des qualités précédentes. On ne doit pas craindre d’affirmer que le vin, pour autant qu’on lui ait conservé les caractéristiques d’un milieu biologique, est sujet à EVOLUTION et qu’une légère modification de son aspect, sans altération de ses caractères, lui est moins préjudiciable que tous les traitements visant au blocage de cette évolution. Commentaires: Aider le public à connaître le vin est une œuvre nécessaire. Lui rappeler le rôle et l’importance de la dégustation, lui montrer que cette démarche analytique est à sa portée, font partie des actions à mener. Ne jamais oublier que la finalité du vin est d’être bu, donc de donner un plaisir sensoriel sans désordre de santé, donc évidemment en dehors des voies de l’abus. Apprendre à découvrir un vin dans sa jeunesse, le suivre dans ses expressions secondaires encore fermées pour enfin, après des années, ressentir ce bouquet tant attendu, ce langage si impressionnant de la vigne est une œuvre pleine d’humanisme.
  1. Sans méconnaître les nécessités économiques qui contraignent les Etats producteurs de vin à autoriser l’emploi d’additifs de conservation et de stabilisation, l’Académie Internationale du Vin émet le vœu que tous les vins bénéficiant de qualités hygiéniques définies, obtenues par des processus naturels, puissent être signalés à l’attention du public.                                                                                                     Commentaires: Chaque vin à ses propres effets physiologiques. On n’insistera jamais assez sur cette diversité de vins qui évite les phénomènes d’accoutumance donc les abus. Aider chaque pays viticole à présenter des vins sincères est un besoin réel. Ainsi, puisqu’aucun milieu ne se ressemble, chaque vin conservera son style ne venant jamais concurrencer son voisin mais devenant seulement complémentaire de ses partenaires.