Les mots peuvent, eux aussi, chanter par leur rythme et leurs rimes. Les idées qu’ils expriment prennent alors un relief particulier qui permet à l’esprit de s’évader vers d’autres horizons … Qui, de nos jours, ne peut être émerveillé par les avancées fantastiques des connaissances humaines engendrées par les progrès époustouflants des sciences? … La volonté de l’homme d’aller toujours plus avant dans le savoir parait inépuisable! Tout s’analyse, se décortique, et veut trouver réponse à tous les pourquoi et les comment. Le domaine de la vigne et du vin n’est pas tout à fait à l’écart de ce tourbillon de rationalisme où le secret du merveilleux, du mystère, pour ne pas dire du sacré, semble ne plus avoir de place.

Par ailleurs, parallèlement et de surcroît, les réglementations dans des déviations souvent tatillonnes et stupides s’immiscent, ça et là, en intrusions paralysantes au regard du vigneron, véritable artiste, héritier de traditions et de savoir faire séculaires; sans parler, bien sûr, des méandres plus ou moins empoisonnés qui conduisent aux mauvais procès faits au vin. Et pourtant! oui pourtant, le rêve toujours bien présent et tenace suscité par la magie conviviale du vin, les moments d’émotion qui accompagnent l’ouverture de grandes bouteilles, ne nous emmènent – t – ils pas vers une secrète et mystérieuse rencontre du réel, . du vrai, et de l’imaginaire, en un monde bien au – delà des techniques oenologiques les plus sophistiquées, le bulletin d’analyse le plus poussé et, plus encore, des écrits de registre de manipulation et de traçabilité réglementaire d’un « opérateur». C’est un peu tout cela que j’ai entendu souffler à mon oreille vigneronne perçant tantôt les brumes matinales ou le frémissement des brises balayant le vignoble, tantôt dans le silence bavard et l’obscurité feutrée des caves. Je vous le livre sans aucune prétention, réclamant surtout votre indulgence pour ces modestes rimes d’amateurs.

CONFIDENCES DE VIN NOBLE

Mon père, vigneron, s’est marié d’amour

Sur ce beau coin de terre oùje naquis un jour.

C’est mon identité, un titre de noblesse,

C’est là que j’ai reçu mes vertus, mes richesses.

Ma famille est connue dans ce pays natal,

Mes ancêtres avaient droit au verre de cristal.

Celui qui m’a créé, habile et laborieux,

A conservé pour moi les ceps de ses aïeux.

Au rythme des saisons, ma mère nourricière

A distillé pour moi mille fleurs, mille pierres,

Et s’est gavé d’air pur aux senteurs de la terre

Dont ses moindres implants fouillaient les millénaires.

Des rayons du soleil elle a pris les meilleurs

Ceux qui sont de chez nous et ne sont pas ailleurs.

L’automne m’a paré d’un merveilleux décor

Où le vert se confond avec le feu et l’or.

Le vendangeur chantant, respectant ma nature,

A rempli son panier de mes grappes bien mûres.

Avec les égards dus aux nobles chevaliers

J’ai été convoyé de la vigne au cellier,

Et là par le pouvoir de mon propre levain,

De raisin que j’étais je suis devenu vin.

Mon père vigneron, avec ses mains d’artiste,

A modulé ses soins tel un vrai concertiste,

En ses gestes précis se lisait la passion

Comme rites sacrés pétris de traditions.

Il a su conserver dans ses saines pratiques,

Pour bien me reposer le foudre ou la barrique.

Alors, dans le secret, puisant dans mes racines,

J’ai pu marquer le sceau de ma noble origine;

Avide d’harmonie, affinant mes couleurs

Dans une symphonie de senteurs, de saveurs,

J’ai gravé en silence, en la sérénité,

Cent messages de joie, de bonheur, de gaîté,

Cent messages d’amour, mes simples vérités.

R.R.