1. L’Argentine dans le Monde 

Située à l’extrême Sud du continent Américain, l’Argentine a une superficie de 2.780.400 km. C’est le pays le plus vaste de langue espagnole. Sa population selon les dernières statistiques est près de 40 millions d’habitants, en très haut pourcentage d’origine espagnole, cependant c’est un pays qui se caractérise par une immigration européenne très variée au début du XXe siècle, en grande partie d’Espagne et d’Italie. Il faut remarquer que ces immigrants ont eu une importance fondamentale pour la viticulture comme nous le verrons par la suite. Si on observe sur la carte mondiale les zones de vignobles, on se rend compte qu’il ne s’agit pas d’une extension très importante. En effet,  cette culture viticole est exploitée commercialement dans ce que l’on appelle les régions tempérées au-delà des tropiques, le froid hivernal étant la principale limite pour sa culture. (D. Boubals, communication personnelle).

L’Argentine, avec 250.000 ha, est le sixième pays dans le monde en superficie cultivée de vignobles, ayant été dépassée par la Chine, qui compte déjà 480.000 ha. (Nous verrons les statistiques en détail par la suite). En Argentine, la culture de la vigne s’étend depuis le parallèle 42 Sud jusqu’au tropique du Capricorne, principalement sur les coteaux de la Cordillère des Andes. En général, il s’agit de zones arides où les précipitations sont très faibles et c’est pourquoi l’arrosage est indispensable. En dehors de ces zones traditionnelles, de nouveaux vignobles apparaissent depuis la Patagonie jusqu’à Córdoba. En général, il s’agit de petites superficies destinées à la production de vins de qualité et surtout associées aux projets touristiques de la région et où la production se vend in situ.

2. Histoire et tradition 

Bien que l’Argentine soit considérée comme un pays du Nouveau Monde du point de vue viticole, je déclare que de même que le Chili ou le Pérou, nous nous considérons les plus traditionnels et anciens de cette catégorie et cela car les premiers plants de vigne nous sont arrivés de la main des conquistadors espagnols aux XVe et XVIe siècles. En 1551, le plant de vigne serait arrivé au Chili depuis Pérou et par la suite en Argentine. Des historiens citent Juan Cidrón, le moine qui aurait planté les premières vignes à Santiago del Estero, cependant nous savons que la ville de Mendoza a été fondée en 1561 par Pedro del Castillo et qu’un an plus tard, Juan Jofré a fondé San Juan au Nord de Mendoza. Ce dernier était un viticulteur reconnu au Chili et selon ce que raconte ce militaire espagnol, il aurait été le propriétaire d’origine de ce qui serait par la suite le vignoble Cuisiño Macul près de Santiago du Chili.

Les conquistadors espagnols voyageaient avec les plants de vigne pour diverses raisons, l’une desquelles, religieuse, étant le vin nécessaire à la liturgie. Mais une autre aussi était que le raisin sec représentait un excellent aliment pour les longues marches des soldats qui devaient traverser la Cordillère des Andes à pied. Jusqu’à ce moment-là, tous les vignobles américains étaient de variété appelée Criollas ou créole, c’est-à-dire cultivée au Pérou. Les semences provenaient particulièrement d’Espagne continentale et des Iles Canaries, et c’est ainsi qu’apparurent  la Criolla Grande, la Criolla Chica ou l’Uva país du Chili, appelée aussi Mission aux Etats-Unis, Mollar de América ou Negra Criolla au Pérou, ItaliaQuebrantaPedro Gimenez, les différents Torrontés, etc. Ces variétés créoles furent seules cultivées jusqu’à la moitié du XIXe siècle où sont apparues les variétés les plus appréciées d’Europe, spécialement de la France et de la main d’un Bordelais.

2A. L’arrivée du Malbec en Argentine 

Ce cépage provient du sud-ouest de la France où il est connu sous le nom de Cot. Selon l’ampélographe de Pierre Galet, il est possible que ce soit le vieux cépage romain appelé «Aminée», car celui-ci était très apprécié des abeilles, d’importante diffusion dans la Narbonnaise. Selon les dernières études génétiques, ce serait le résultat d’un croissement entre une variété appelée Magdeleine Noir des Charentes et le Prunelard Noir (JM Boursiquot et al. 2004). On le connaît aussi sous le nom d’Auxerrois. Pierre Galet soutient que le nom de Malbec provient de son introducteur à Bordeaux au XVIIIe siècle, le Dr. Malbeck, qui l’apporta de Cahors jusqu’au Libournais, en grande expansion à cette époque, car ayant de bonnes qualités productives et en plus une grande couleur et un bon potentiel de garde que l’on pouvait élever en tonneaux pendant plus de 30 ans.

Vers 1850, Domingo Faustino Sarmiento, qui fut un des hommes illustres de l’Argentine (Président, journaliste, écrivain, etc.), se trouvait au Chili où il connut Michel Aimé Pouget, technicien français de Bordeaux qui avait apporté à ce pays la collection la plus importante de variétés françaises. Sarmiento en voyant la qualité des vins que l’on pouvait élaborer à partir de ces variétés recommanda au gouverneur de Mendoza Pedro Pascual Segura d’engager Pouget pour introduire ces variétés qualitatives en provenance d’Europe. C’est ainsi qu’en 1853, ce Gouverneur, avec l’appui de Pouget, fonda L’École d’Agronomie de Mendoza, et l’on considérera ce moment comme le début de la culture du Malbec à Mendoza, en Argentine (le 17 avril est reconnu depuis quelques années comme la journée Mondiale du Malbec en commémoration de la fondation de la Quinta Agronómica de Mendoza).

Michel A. Pouget fut un grand précurseur de cette variété à Mendoza. D’après ce que j’ai pu savoir, ce cépage dominait à cette époque là à St. Emilion, région d’origine de Pouget. En effet, le Cot ou Malbec obtinrent une grande expansion, arrivant à dépasser le 50% des plantations de cette zone du «Libournais» antérieures à l’attaque du «Phylloxera». Cependant, sa tendance à la coulure, en particulier après le greffage sur pieds américains et sa faible résistance aux froids hivernaux, furent les causes d’une baisse importante de la superficie cultivée en France, même dans la région de Cahors où il était très présent (70% au minimum pour l’Appellation Cahors).  En Argentine, où les hectares cultivés de cette variété ont augmenté de manière significative, spécialement au début du XXe siècle, elle seest transformé en synonyme de «la uva francesa». Déjà en 1911, l’historien Leopoldo Suárez nous disait que le Malbec représentait plus de 50% du vignoble de Mendoza.

Vignoble de Malbec à Vistalba Lujan

A cette époque là deux spécialistes français décrivirent merveilleusement nos vignobles. Le premier fut Pierre Denis, engagé par le gouvernement national pour travailler sur les cultures industrielles Argentines. En 1916, celui-ci décrivit les vignobles de la région de Lujan de Cuyo , déclarant que «les Malbec cultivés à plus haute hauteur», «les côtes», étaient ceux qui produisaient les vins de plus ample couleur et qualité. Par la suite, il disait que «la vigne Criolla, qui donne un fruit sucré et âpre en abondance, a presque disparu de Mendoza». D’un autre côté, en 1919, Pierre Viala visita Mendoza, et dans son rapport de voyage, disait qu’il avait trouvé des vignobles de grande qualité, plantés comme à Bordeaux, avec environ 5.555 pieds par ha et taillés avec le système Guyot simple ou double, selon la vigueur. Il raconte aussi son étonnement quant à la qualité des vins, même ceux de cépages comme le Chardonnay et le Pinot Noir, et de la technique d’arrosage utilisée.

2B. La grande consommation des années 60 – 70 et la crise des années 80

Cette viticulture de qualité continua jusqu’aux années 1960-70, où l’Argentine arriva à une consommation de 93 litres par habitant et par an, avec plus de 50.000 ha de Malbec. Pourtant, des erreurs politiques, une économie fermée où seule la consommation interne et la recherche de volume au détriment de la qualité, nous menèrent à une énorme crise. La plantation sans contrôle de vignobles en pergolas de variété Créoles, productive et de peu de qualité, causa rapidement des excédents de vin, une terrible crise viticole dans les années 80 et par conséquent, de nombreux vignobles arrachés, mais surtout les moins productifs, donc les vignobles de qualité, comme le Malbec. La superficie se réduisit à seulement 9.000 ha à Mendoza.

2C. Les années 90 et la résurgence du vin de qualité 

Vignobles plantés en altitude

Heureusement qu’à partir des années 90, la situation changea. Avec l’ouverture économique, l’Argentine commence à exporter et le besoin de compter avec des vins modernes et de qualité nous ont amenés à un changement important. C’est comme cela que nous sommes passés de 80% des vins de table à l’opposé en un peu plus de 10 ans.  L’Argentine a commencé à exporter, en particulier des rouges de Cabernet Sauvignon les premières années, mais très rapidement le Malbec s’est transformé en la variété représentative de la région. Une importante quantité d’investisseurs étrangers arrivèrent à Mendoza pour planter des vignobles et lancer la construction de caves modernes.

Avec l’incorporation de nouvelles techniques d’arrosage pressuré comme l’arrosage goutte-à-goutte, on a pu planter de nouvelles zones difficiles et impossibles à niveler (où il est impossible d’utiliser l’arrosage par inondation), surtout dans les zones montagneuses qui produisent de grandes qualités de vins. C’est comme cela que les vins Argentins se sont transformés en une bonne option, en particulier pour son rapport qualité/prix. Tous les nouveaux vignobles ont été plantés en espalier haut avec taille en cordons bilatéraux et coursons. Le choix de ce système est dû principalement à sa simplicité de taille et la possibilité d’avoir recours à la pré-taille mécanique. Les densités utilisées vont de 3.500 jusqu´à 6.500 plants par ha, mais la plupart sont proches de 4.000 (2,20m entre rang et 1,20m entre plante). Les variétés rouges sont certainement les plus plantées et, parmi elles, le Malbec est dominant. Et aussi la Syrah, le Cabernet Franc, le Cabernet Sauvignon et le Petit Verdot y sont les préférés. Parmi les blancs : le Sauvignon Blanc, le Chardonnay et le Torrontès sont les plus plantés.

Le Phylloxera existe et dans l’impossibilité d’utiliser l’arrosage traditionnel pour contrôler les maladies, a obligé les viticulteurs à recourir aux plantes greffées sur pieds américains, et parmi eux, l’élu est le Paulsen 1103. Il faut savoir que pour des sols pauvres (0,5% ou moins de matière organique) et secs comme ceux de l’Argentine, c’est celui qui s’adapte le mieux. En effet, les essais avec ceux étant reconnus comme les plus qualificatifs comme le 101-14 MG ; le 3309, etc. n’ont donné que de piètres résultats par rapport aux besoins élevés de l’évapotranspiration. Le 110 Richter s’adapte aux sols secs et le SO4 souffre du manque de magnésium dans les sols riches en potassium de la précordillère, car les deux éléments sont antagonistes pour la plante. On remarque que le P1103 est très vigoureux sur la plupart des terrains. Toutefois, il est très simple de maitriser la vigueur et d’obtenir des raisins de grande qualité dans des conditions de sols pauvres et secs où maitriser la vigueur est simple si l’on contrôle l’arrosage et l’ajout de nitrogène. D’un autre côté, le P1103 résiste bien à l’accumulation de sels dans le sol, problème qui se retrouve dans plusieurs secteurs.

3. Le Malbec et la sélection locale

Bien que P. Galet mentionne déjà dans son traité de 1988 plus de 12 clones sélectionnés de cette variété, quand nous avons importé les plus reconnus comme étant les meilleurs, par exemple le 46, ils ne se sont pas adaptés comme tels. Dans notre climat ensoleillé, tempéré et plus sec, tous ces clones ont démontré une productivité importante qui a fait que les producteurs les ont reconnus comme synonyme de Cot pour le différencier des Malbec locaux, moins productifs en général mais de plus grande qualité œnologique.

La présence du Malbec local n’est pas seulement important en termes de superficie, mais aussi vaste quant à sa variabilité. Il serait donc plus exact de parler d’une présence génétique. Nous savons qu’il existe des sélections massales reconnues pour leur qualité. C’est pourquoi on reconnaît quelques appartenances à des entreprises, lieux, comme ceux de Perdriel ou Vistalba, etc. Quelques entreprises développèrent leur propre sélection, obtenant même des «clones». Ici aussi, nous avons pu séparer quelques phénotypes reconnus jadis en France comme ceux de pétiole rouge ou «queue rouge». Bien que dans le malbec, on observe du dimorphisme foliaire avec des feuilles plus lobulées et entières sur la même plante, on peut aussi reconnaître, comme pour le Pinot Noir, que les plantes de feuilles plus lobulées et plus retombantes sont plus qualitatives que celles de feuilles entières et maintien dressé. S’il existe un lieu approprié pour une sélection clonale de cette variété, Mendoza est sans aucun doute le plus indiqué, car elle compte sur la plus grande présence, richesse et variabilité génétique nécessaire et vaste. De ce fait et depuis quelques années l’INTA à réalisé un travail de sélection clonale et sanitaire. En conclusion, on a obtenu 4 clones qui ont été remis à 8 pépinières pour leur extension.

La sélection demande une étape de prospection où se réalise une observation sur terrain des individus qui se distinguent par des caractéristiques singulières et qui ne présentent pas de symptômes de maladies. Une étape de sélection sanitaire, basée sur la détection de virus (Test Elisa) et une troisième étape de sélection agronomique où il est choisi sur la base de productivité, qualité de la production, etc. (quantité de sucre, intensité colorante, caractéristique organoleptique comme les arômes, concentration ou corps, etc.). Tous ont été comparés avec le clone français INRA 598.  Deux clones se distinguent par leurs arômes et leur productivité de moyenne à haute. Mb12 INTA et Mb09 INTA et deux pour leur intensité de couleur et nuance violette Mb18 INTA et Mb19 INTA. Ceux-ci sont les clones appelés «étiquette bleue» par la pépinière locale Mercier. Celle-ci a aussi sa propre sélection et pour l’instant un seul clone à la vente sous l’appellation Malbec 713.

4. Le terroir

Vieille vigne de Malbec à Las Compuertas

Le climat, le sol, la vigne et l’homme qui la cultive définissent le terroir. Quant au climat, nous pouvons dire qu’il s’agit d’un climat continental qui va dès 43° de latitude sud jusqu’au tropique du Capricorne, avec peu ou nulle influence maritime, sec et avec un régime de pluies d’été. Nous savons que la viticulture de qualité en général a besoin de climats qui limitent d’une certaine manière la croissance et la vigueur excessive de la vigne. Dans la plupart des vignobles de qualité, c’est la mer qui limite l’excès de chaleur engendrant une bonne ampleur thermique, indispensable pour une correcte accumulation de polyphénols et la préservation des arômes. Dans le cas de la viticulture argentine, appuyée sur la précordillère des Andes et répandue dans de nombreuses vallées andines, c’est l’altitude qui est responsable de ce contrôle et confère l’ampleur thermique. On trouve donc des vignobles à partir des 300 m.s.n.m. dans la région patagonique jusqu’à pratiquement 2.800 mètres dans le nord, près du tropique.

Les sols sont très variés sur une si vaste superficie, pourtant cette variabilité correspond plus à la texture qu’à la composition. Pour la plupart, il s’agit de sols d’origine alluviaux composés de matériaux en provenance de la Cordillère des Andes, plus ou moins rocailleux et pour cela plus ou moins perméables, mais en général pauvres en matière organique et nitrogène et riche en potassium. La plupart neutres ou de pH de base. Dans les zones plus basses et éloignées de la montagne, on trouve parfois des sols salins qui demandent un traitement soigné de l’eau et qui peuvent produire des vins à haut contenu de sodium. Ces zones sont utilisées pour d’autres cultures, des pergolas pour les raisins de table ou destinées à la production de raisin pour des vins àconsommation courante.

5. L’arrosage 

5A. Arrosage à la raie, arrosage au goutte-à-goutte 

Comme nous l’avons mentionné, l’arrosage est pratiquement nécessaire sur tout le territoire pour cultiver la vigne. Seulement quelques zones de l’extrême sud pourraient être cultivées en pluviale, mais cela représente seulement quelques petits exemples et pas une superficie représentative. Il est important de remarquer qu’à Mendoza, il pleut moins de 200 mm par an et on cultive seulement 3% de sa superficie. C’est la province qui représente plus du 70% de terrain cultivé en vignobles. Ici l’arrosage et l’utilisation de l’eau forment une partie de son histoire et de sa culture, même précolombienne. En effet, les indigènes de cette région, sous l’influence incaïque, utilisaient l’irrigation et la canalisation de l’eau provenant de la Cordillère et du dégel pour sa consommation et l’arrosage. La loi de l’eau fut la plus importante de la région et date de la moitié du XIXe siècle. Parmi les concepts les plus importants que cette loi établit, est celui qui manifeste que les sols ou terres des zones ayant droit à l’eau d’arrosage sont les propriétaires de ces droits et ceux-ci n’appartiennent pas au propriétaire lui-même.

C’est-à-dire qu’il est impossible de séparer les terres du droit de l’eau et donc on ne pourra pas l’utiliser pour une autre terre, la commercialiser, la céder, etc. Cela fut positif pour mieux exploiter le sol et utiliser correctement les ressources hydriques si faibles. Ce qui vient d’être décrit correspond à l’eau superficielle provenant de la fonte des neiges des montagnes et qui descend par leurs torrents et rivières, mais il existe aussi l’utilisation des eaux souterraines dont l’extraction se fait par pompage. Celles-ci sont en quantité et qualité très variables selon les zones, mais il est important de mentionner qu’à partir de la moitié des années 90, de nouvelles perforations ont été interdites et seulement permis dans certain cas exceptionnel si on peut démontrer l’annulation d’une perforation existante à priori. Cette décision a pour but de limiter la surexploitation des ressources d’eau.

Jusqu’à la décennie des années 90 et avec une économie fermée, pratiquement le seul système d’arrosage était le traditionnel par sillon ou inondation. Les volumes utilisés avec ce système sont très importants, on est arrivé même à 10.000 m3 par ha et par an. Ceci a quelques avantages, surtout celui de pouvoir contrôler certaines maladies qui attaquent les racines et celle d’aider à lixivier les sels excessifs qui peuvent s’accumuler, mais il y a deux désavantages très importants. Le premier est qu’il faut des terrains nivelés ou cultivés en courbe de niveau et le second, et peut-être le plus important, est la nécessitée d’un grand volume d’eau. Grâce à l’incorporation du goutte-à-goutte, on économise presque 50% d’eau, et d’un autre côté on peut cultiver des zones non nivelées ou non ralliées à la canalisation et en général ce sont celles plantées en hauteur et capables de produire des raisins de plus grande qualité.

5A. L’arrosage traditionnel et le contrôle du Phylloxéra et autres parasites ou ravageurs 

Le phylloxéra qui produisit la fameuse catastrophe en Europe vers 1870, existe aussi en Argentine, et dans les années 50, on a craint le pire. A ce moment-là, depuis la Chaire de Viticulture de Sciences Agraires de l’Université Nationale de Cuyo, s’est réalisé un réseau d’essais de porte-greffes dans différents terroirs et avec différentes combinaisons de pieds et cépages. Ce travail a reçu une distinction spéciale de l’OIV, mais n’a pas servi ni dans la pratique, ni pour la dispersion de l’utilisation du pied américain. Cela est dû principalement au fait que malgré que le phylloxera se trouvait dans le sol, celui-ci ne produisait pas de dégât dans le vignoble. Par la suite, on a pu observer que l’arrosage par nappe, surtout si celui-ci était abondant, contrôlait l’insecte, même les nématodes. En effet, la diminution des arrosages et l’utilisation du stress causent la prolifération de la maladie et l’observation des dommages.

Aujourd’hui, dans les vignes destinées à produire des raisins de qualité œnologique et encore cultivées par l’arrosage traditionnel, on recourt aux arrosages hivernaux pour le contrôle du Phylloxera (on se rappelle le cas de la Vigne de la submersion en Camargue, dans le delta du Rhône). Avec l’incorporation de l’arrosage goutte-à-goutte, l’utilisation de porte-greffes ou pieds américains est devenue presque indispensable. Bien qu’il existe beaucoup de nouveaux vignobles qui appliquent cette méthode d’arrosage et franc de pied, les dommages les plus habituels sont produits par les nématodes (spécialement Meloydogine arenaria dans les sols sablonneux), mais nous savons que le Phylloxera est présent et qu’à n’importe quel moment, il peut causer des dégâts.

Arrosage à la raie après vendange

6. Les régions viticoles et ses différents terroirs 

6A. Vignobles du Nord, les vallées Calchaquies 

Vignoble de Tacuil à 2600 msnm.

Les vignobles installés dans ces vallées de montagne se caractérisent par leur distribution en aires relativement petites. Ils sont anciens et très traditionnels. La vigne est arrivée dans cette région par le Pérou avec les conquistadors espagnols. Le système de conduite abondant et caractéristique est la pergola ou «parral», et bien qu’il existe beaucoup de différents cépages, le plus typique et abondant est le Torrontés.

A l’extrême nord se trouve la vallée de Cafayate, dans la province de Salta. C’est l’une des plus importantes quant à sa reconnaissance en qualité. Sa superficie est de 2400 Ha. Bien qu’elle se trouve dans le tropique, le climat n’y est pas trop chaud car l’altitude minimum de la vallée est de 1600 m.s.n.m. C’est dans cet endroit que se trouve la plus grande partie des vignobles traditionnels. Ceux-ci sont les pergolas de Torrontés, Cabernet Sauvignon, Malbec et Tannat. La pluviométrie moyenne est de 250 mm de pluie en été. Dans cette aire, on a planté des vignobles de majeure altitude, cherchant toujours des zones plus froides et de majeures amplitudes thermiques quotidiennes. C’est là que l’on obtient des raisins de peau très épaisse, de beaucoup de couleur et de concentration. Les notes de pyrazines des Cabernet sont notables. Quand le rendement est contrôlé, on obtient une excellente qualité de vin. Parmi ces petites vallées, nous devons distinguer celle de Tacuil à 2.600 m.s.n.m et celle de Colomé un peu plus bas.

Plus bas et proche du village de Cafayate se trouve Yacochuya, petite aire mais très reconnue grâce à ses vins.  Plus au sud se trouve la province de Catamarca, qui a une superficie cultivée de 2.560 ha et qui se caractérise par ses petits vignobles et sa production de vin artisanal. Là aussi, sont dominantes les variétés créoles, en particulier le Torrontes. Cependant, les dernières années, des vignobles ont été plantés dans la zone de Santa Maria, au nord, près de Salta, sur les coteaux du Piémont, dont le sol est rocailleux et volcanique, et pourtant on y produit des vins rouges de grande qualité. Pour finir, au sud de cette région, nous avons la province de La Rioja, qui se distingue par sa superficie de 8.420 ha cultivés. La vallée de Chilecito est reconnue comme la plus importante et qui représente le mieux le cépage Torrontes, très caractéristique de la région. Malgré que cette région se trouve plus au sud, c’est une zone plus chaude que les antérieures car elle est à moindre d’altitude.

6B. Zone Centrale ou Cuyo 

Il s’agit de la région la plus importante du pays. Elle compte plus de 90% des vignobles du pays. Des deux provinces qui la composent, Mendoza a plus du 70% des vignobles.  San Juan, plus au nord, et d’un climat plus chaud, (sauf quelques vallées cultivées les dernières années), se caractérise par une grande production en volume de vins, en général de consommation courante et de qualité moyenne. Ces dernières années, on a implanté une importante reconversion, le cépage Syrah étant l’un des préférés car dans les zones basses et chaudes, il produit des vins de bonne couleur et structure.

Cette région se distingue aussi par les cultures de variétés destinées aux raisins secs et aux raisins de table destinés à l’exportation. C’est la raison pour laquelle la plupart des variétés sont Superior et Red Globle. Plus au sud se trouve la province de Mendoza. C’est la plus importante en superficie et en production. Elle couvre à peu près 70% de la superficie des vignobles du pays et la plupart des caves. Les vignobles peuvent se partager en trois grandes zones. Au sud, les départements de San Rafael et General Alvear contiennent des vignobles de zones variées, mais en général destinées à la production de vins de qualité. Bien qu’il n’existe pas de zones libres de grêle, c’est l’une des régions les plus affectées, et même s’il existe un système contre celle-ci par iodure d’argent, l’unique méthode efficace est de protéger le vignoble avec la maille anti-grêle.

Au centre de la province, à quelque 100 à 120km au sud de la ville de Mendoza, se trouve le vallée d’Uco, Elle est formée par les départements de San Carlos, Tunuyán et Tupungato, et bien que ce soit depuis longtemps des zones viticoles, c’est là que se trouvent les nouveaux espaliers plantés en altitude de cépages de qualité et arrosage au goutte-à-goutte. Les nouveaux vignobles sont implantés proche des montagnes et sont de 1.500 ou 1600 m.s.n.m. Bien que ces zones soient très froides, de beaucoup d’amplitude thermique, (même jusqu’à 17°C de différence entre la nuit et le jour), les gelées tardives ne sont pas très problématiques grâce à la grande pente du sol qui est en général de 1 à 1,4% en sens ouest-est. C’est ici que se produisit la grande reconversion du vignoble argentin des dernières années et aussi l’investissement de nouvelles caves. Plusieurs de celles-ci ont adapté leurs vignobles et caves pour le tourisme en s’équipant de restaurants et aussi d’hôtels. Il y a beaucoup de variétés plantées étant destinées au vin de base des mousseux comme le Pinot Noir et le Chardonnay qui se cultivent dans les zones en hauteur et  ensuite le Sauvignon Blanc et Malbec. Le Petit Verdot et le Cabernet Franc font partie des cépages à planter.

Au nord et à l’est de la ville de Mendoza, on trouve les vignobles de plus importante production, la plupart des pergolas de créoles (Criolla Grande et Cereza) destinées à la production de vin de consommation massive. Des zones qui vont des 400 au 750 m.s.n.m, de sols d’origines alluviaux et éoliens. Cette région s’est beaucoup développée pendant les décennies des 60 et 70. La zone proche de Mendoza, est appelée première zone. C’est la plus ancienne et traditionnelle, elle est formée par les départements de Maipú et Lujan de Cuyo et vont de 850 à 1100 m.s.n.m. C’est là que se trouve les plus anciens vignobles, spécialement de Malbec plantés avec du matériel de sélection massale, franc de pieds, avec une haute densité de plantation (5.555 pieds par ha) et taille Guyot simple ou double selon la vigueur. La plupart arrosés avec le système traditionnel, par superficie.

Vieux Malbec, Cheval des Andes

6C. La Patagonie 

Vignoble nouveau à Neuquén

Le vignoble de la vallée de Rio Negro est le plus traditionnel et ancien. Cette région est très importante quant à ses cultures de poires et pommes, mais aussi depuis quelques années par sa viticulture de qualité. Son extension est de 2.605 ha, la plupart distribués en petites propriétés. Le Malbec y est aussi la vedette, mais on y trouve aussi plusieurs cépages de Pinot Noir et Merlot. En général, c’est une zone de peu d’altitude et assez froide.

Neuquén et La Pampa ont plus de nouveaux vignobles et en particulier à Neuquén, où il y a eu d’importants investissements les dix dernières années. Situé à près de 300 m.s.n.m, il se caractérise par un climat désertique, aride et agreste. On compte plus ou moins 1.700 ha qui appartiennent à quelques entreprises. De grandes extensions de vignobles en espaliers d’une densité moyenne et hautement mécanisées font partie de cette nouvelle viticulture qui cherche à obtenir son maximum qualificatif et le vieillissement de ses vignobles.

7. Quelques chiffres sur la viticulture Argentine 

7A. Superficies de vignobles 

La superficie de vignobles à augmenté considérablement les dix dernières années, de 201.113 ha en 2000 à 228.575ha en 2009. Comme nous l’avons dit antérieurement, ces vignobles ont été plantés dans des zones de plus d’altitude et qualitatives en général. Si nous étudions les différentes régions, nous nous rendrons compte que les zones les plus chaudes et de peu d’altitude perdent en superficie. La principale variété est le Malbec et le système d’arrosage commun est le goutte-à-goutte. D’un autre côté, il est intéressant d’observer que la quantité de vignobles n’a pas seulement augmenté mais qu’il est moindre qu’en 1999 (36.402 vignobles en 1999 et 26.175 en 2009). C’est-à-dire qu’il existe des viticulteurs avec des propriétés plus importantes en extension car en général, les nouveaux investisseurs les acquièrent et les petits viticulteurs qui ne sont pas vinificateurs disparaissent à cause de la difficulté de maintenir la rentabilité de leur exploitation.

On observe aussi depuis dix ans un changement important de variétés rouges qui remplacent les blancs, les variétés rouges destinées aux vins de qualité s’imposent au détriment des créoles destinés à produire des vins de consommation courante.  Le cépage le plus planté est le Malbec avec presque 28% de la superficie (28.500 ha), suivi par le Bonarda et le Cabernet Sauvignon (17.500 ha). Pour les blancs, les plus plantés sont deux variétés créoles : le Pedro Giménez qui supère le 35% (13.500 ha) suivi par le Torrontés riojano (8.500 ha) et c’est seulement en troisième place que nous retrouvons le Chardonnay avec 17,11% de la superficie (6.500 ha).

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7B. Production de raisins et élaboration de vins 

La production de raisins destinés à la vinification a subi peu de changements en quantité de volume les dix dernières années, passant de presque 21.000.000 quintaux en 2000 à 28.902.962,06 en 2010. Durant cette période, la production maximum a été faite en 2007 avec 30.925.024 quintaux. Les variations que l’on peut observer durant cette période sont principalement dues aux conditions climatiques, dans lesquelles les gelées, la grêle et la sécheresse ont beaucoup de poids. Quant à l’élaboration de vins, même si on peut observer des changements importants tous les ans, le volume général se maintient entre 12 et 15 millions d’hectolitres. Pourtant, si on prend aussi en compte les moûts sulfités et concentrés, nous aboutissons à un total proche de 22.000.000 d’hl.

7C. Les exportations : principaux destins des exportations argentines

Par rapport aux exportations de vins, on observe une considérable augmentation en volume de bouteilles durant la dernière décennie et une importante baisse la dernière année de l’exportation de vin en vrac. Ceci est surtout dû à l’augmentation des coûts internes de production produisant la perte de compétitivité de l’Argentine, en particulier dans les segments de moindre prix. Si nous observons les chiffres en dollars, nous pouvons visualiser une augmentation considérable, car nous avons réussi à dépasser les 1.000 millions de dollars en 2011, si l’on additionne les moûts et les vins.

8. Conclusions finales 

La viticulture argentine a plus de 450 ans. Cependant, elle ne prit de l’ampleur qu’à partir de la moitié du XIXe siècle, quand elle démontra les premiers indices de qualité. Parmi les pays du Nouveau Monde, c’est probablement le plus ancien. Au long de sa brève histoire, elle a subi des changements impressionnants. De la production massive à une viticulture de qualité, grâce à l’arrivée des cépages européens.

A partir des années 70, les cépages créoles et la production de grands volumes de vins de consommation courante prennent de l’importance et, pour finir, à partir des années 90 se réalise une nouvelle reconversion, cette fois-ci de qualité. Grâce à l’utilisation de systèmes d’arrosage présurés, on réussit à planter des terroirs en altitude et de grand potentiel de qualité. Toutefois, nous devons affronter un nouveau défi. L’Argentine doit consolider les marchés conquis, pas seulement avec le Malbec mais aussi avec d’autres variétés avec lesquelles on obtient des vins de grande qualité. Aujourd’hui, les circonstances économiques nuisent à la rentabilité des caves. L’augmentation des coûts dûs à l’inflation interne et le retard quant au type d’échange affecte toute l’industrie vitivinicole, mais surtout les petits producteurs et exportateurs à cause de leurs petites échelles de production. Nous avons l’espoir que cette situation se modifie bientôt.

Cependant, l’Argentine a décidé de produire des vins de qualité et continue à insister sur l’exportation et de mettre en valeur les terroirs capables de produire des vins de grande personnalité et typicité, reconnus comme tels. Tout l’exposé nous mène à l’expression pure «vin du terroir». Les indications géographiques nous permettent de le comprendre et de le connaître pour, par la suite, aboutir à de nouvelles Appellations d’Origine et la reconnaissance de celles-ci, comme celle qui fut créée en 1990, la première en Amérique, celle de LUJAN de CUYO.